La construction de la basilique du Sacré-Cœur, à Montmartre, est un véritable scandale pour les Parisiens qui s’étaient révoltés en 1871, lors de la Commune de Paris. Cette basilique est destinée à « sauver la France qui a mérité le châtiment de Dieu par l’encouragement qu’elle a donné à l’esprit révolutionnaire dans le monde ».

En 1897, un comité de libres penseurs demande que soit érigée une statue du Chevalier de La Barre sur un terrain communal situé devant le chantier de la basilique infâme. Les démarches aboutissent. La statue, réalisée par le sculpteur Armand Bloch, est érigée devant l’église du Sacré Cœur à Paris. Elle représente François-Jean de la Barre enchaîné et supplicié.

Rue Saint-Éleuthère. Square Nadar. Statue du Chevalier de la Barre
Fait partie de : [Paris, rue Saint-Éleuthère. Square Nadar. Statue du Chevalier de la Barre. Cartes postales]

Elle est inaugurée le 3 septembre 1905. La date n’est pas innocente. En effet, cette journée qui sera grandiose (25 000 manifestants), précède le Congrès international des Libres Penseurs des 4, 5 et 6 septembre 1905. Les congressistes étaient tous là, de même que de nombreux francs-maçons du Grand Orient de France. Tous sont reçus à la Mairie de Paris (plusieurs conseillers municipaux font partie des organisateurs du congrès et de la manifestation). Paris avait été choisi pour le congrès de 1905 car on savait que la Séparation de l’Église et de l’État y serait bientôt votée.

En 1926 la statue, qui se trouvait sur le parvis de la basilique, à la vue de tous les pèlerins, est déplacée sur le côté de l’église, square Nadar, emplacement moins dérangeant pour les croyants.

Le 11 octobre 1941, le gouvernement de Vichy promulgue la loi sur l’enlèvement des statues métalliques en vue de leur fonte. Mais ce ne sont pas toutes les statues qui ont cet « honneur », les saints et les saintes, les rois et les reines sont épargnés. Par contre, les humanistes, les philosophes, les victimes de l’intolérance cléricale y passent : le Chevalier de La Barre, Etienne Dolet, Voltaire, Rousseau, Condorcet, Victor Hugo, Diderot, Marat, Gambetta, Fourrier, Lavoisier, Brocat, Maria Deraismes…           

Toutefois, le socle d’origine avec les inscriptions « Chevalier de La Barre supplicié à l’âge de 19 ans pour n’avoir pas salué une procession » reste en place, square Nadar.

Depuis 1905, la statue du chevalier de La Barre a toujours été un lieu de rassemblement laïque. Tous les mouvements progressistes, humanistes et laïques s’y retrouvaient : le Grand Orient de France, le Droit Humain, la Libre Pensée, le Ligue des Droits de l’Homme, la Ligue de l’Enseignement, les anciens partis de gauche, les syndicats, les patronages laïques…

Une nouvelle statue, œuvre du sculpteur Emmanuel Ball, a été érigée en 2001 à Montmartre. La statue du Chevalier de la Barre a fait son retour dans le square Nadar. Son inauguration a eu lieu le 24 février 2001. Elle a été financée par une souscription de l’Association Le Chevalier de la Barre. Cette association, créée en 1996 par quelques amis laïques, de différents horizons, avait comme but premier d’ériger une nouvelle statue du Chevalier de La Barre.

L’inauguration a donné lieu à deux discours, le premier par Anne Duthil,  présidente de l’Association Le Chevalier de la Barre, et le second par Daniel Vaillant, ministre de l’Intérieur et maire du XVIIIème arrondissement dans lequel est situé le lieu. Cette nouvelle statue montre François-Jean de la Barre souriant, les mains dans les poches et coiffé d’un chapeau, comme un défi permanent à cette procession religieuse qu’il n’a pas salué à Abbeville en 1765.

La statue actuelle du Chevalier de La Barre (E. Ball)