Textes de références

Le corpus définissant la laïcité est constitué d’un nombre limité de textes qu’il est bon de connaître et auquel on doit pouvoir recourir à tout moment lorsque l’on réfléchit à la République laïque. Nous en donnons ci-dessous les principaux, ou lorsqu’ils sont très longs, les articles essentiels et les grands titres.

Bien d’autres textes législatifs ou réglementaires ont joué un rôle dans l’affermissement de la République laïque. Citons les lois républicaines sur la reconnaissance de la citoyenneté pleine et entière des protestants et des juifs, en 1789 et 1791, les deux abolitions successives de l’esclavage, en 1794 et en 1848, ou encore les lois sur la laïcisation de l’état-civil et du divorce.

D’autres textes au contraire sont des tentatives de reculer l’avènement de la laïcité ou de l’affaiblir. Mentionnons les lois scolaires antilaïques, comme la loi Falloux de 1850 ou la loi Debré de 1959 et toutes les lois qui l’ont suivi. Pensons encore aux interprétations du Conseil d’État toujours orientées dans le sens d’une limitation de la laïcité, ou bien sûr au décret du 6 décembre 1918 de conserver l’essentiel du droit local en Alsace-Moselle notamment en matière de cultes et d’enseignement avant sa pérennisation

Nous nous contentons ici de rappeler les textes essentiels, sur le plan historique et sur le plan politique, dans la ligne de ce petit livre à vocation utilitaire.

Pour compléter l’approche proposée, on consultera avec profit les dossiers suivants :

La matrice : La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

La séparation est très largement contenue dans son article 3, la liberté de conscience dans son article 10, la liberté d’expression dans son article 11.

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l’Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre suprême, les droits suivants de l’Homme et du Citoyen.

Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 5.  La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.  

Art. 6. La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. 

Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance. 

Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.  

Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.  

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Art. 12. La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

 Art. 13. Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. 

Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

L’ancêtre visionnaire : le Décret du 21 février 1795

Aujourd’hui bien oublié, ce décret dit déjà tout : la République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte. Abrogé par napoléon, il a laissé une trace sur nos vieilles églises et nos vieux temples : Liberté, Égalité, Fraternité, encore visible sur des façades.

La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, de sûreté générale et de législation, réunis, décrète :


 Art. 1er. Conformément à l’article VII de la déclaration des droits de l’homme, et à l’art. CXXII de la constitution, l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé.

Art. 2. La République n’en salarie aucun.

Art. 3. Elle ne fournit aucun local, ni pour l’exercice du culte, ni pour le logement des ministres.

Art. 4. Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice.

Art. 5. La loi ne reconnaît aucun ministre de culte : nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses.

Art. 6. Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique.

Art. 7. Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté. Aucune proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y inviter les citoyens.

Art. 8. Les communes ou sections de commune, en nom collectif, ne pourront acquérir ni louer de local pour l’exercice des cultes.

Art. 9. Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses.

Art. 10. Quiconque troublerait par violence les cérémonies d’un culte quelconque, ou en outragerait les objets, sera puni suivant la loi du 22 juillet 1791 sur la police correctionnelle.

Art. 11. Il n’est point dérogé à la loi du 2 des sans-culotides, deuxième année, sur les pensions ecclésiastiques, et les dispositions en seront exécutées suivant leur forme et teneur.

Art. 12. Tout décret dont les dispositions seraient contraires à la présente loi, est rapporté ; et tout arrêté opposé à la présente loi, pris par les représentants du peuple dans les départements, est annulé.

Les fondations : les grandes lois laïques scolaires de 1879-1886.

Vingt-cinq ans avant la Loi de Séparation, les lois dites « Ferry-Goblet » ont fabriqué la France contemporaine en donnant à la République les moyens de « faire son premier devoir, faire des Républicains1 ».

Les « lois Ferry-Goblet » désignent un ensemble de lois réformant l’enseignement en France et mettant fin à la toute-puissance de la loi Faloux.

Ces lois comprennent les deux lois relatives à l’école primaire qui rendent l’école gratuite (loi du 16 juin 1881), l’instruction primaire obligatoire et participent à laïciser l’enseignement public (loi du 28 mars 1882). S’y ajoutent des lois relatives à la formation des professeurs, à l’enseignement secondaire et supérieur, ou au fonctionnement de commissions administratives compétentes en matière d’enseignement. La loi Goblet du 30 octobre 1886 parachève les lois Jules Ferry en confiant à un personnel exclusivement laïque l’enseignement dans les écoles publiques, remplaçant les instituteurs congrégationnistes.

  • La loi du 27 février 1880 relative au Conseil supérieur de l’instruction publique et aux conseils académiques ;
  • La loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l’enseignement primaire dans les écoles publiques, publiée au Journal officiel de la République française (JORF) du 17 juin ;
  • La deuxième loi du 16 juin 1881, relative aux titres de capacité de l’enseignement primaire, qui définit les exigences de diplômes et titres pour l’exercice des fonctions d’instituteur et de directrice de salle d’asile (ancêtres des écoles maternelles).
  • La loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire, publiée au JORF du 29 mars.
  • La loi Goblet du 30 octobre 1886 prolongeant la loi de 1882, en excluant le personnel religieux de l’enseignement public.

La fin du blasphème : la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Cette loi définit la liberté d’expression publique, par la liberté de la presse. Ce faisant, son article 1er, par sa rédaction lapidaire, met fin à des millénaires d’oppression religieuse, en ne reconnaissant plus le concept même de blasphème. C’est une avancée majeure dans la protection de la liberté de conscience et vers l’émancipation. Seules l’injure et la diffamation vis-à-vis des personnes ou des organisations sont reconnues comme limites à cette liberté, dans le « Chapitre 4 : Des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Non la critique, aussi vertement qu’elle soit exprimée, vis-à-vis des idées, des doctrines ou des philosophies.

Chapitre 1er : De l’imprimerie et de la librairie

Art. 1er. L’imprimerie et la librairie sont libres

La clé de voûte : la Loi de Séparation des Églises

et de l’État du 9 décembre 1905.

C’est le moment laïque de la République. Cette loi de valeur constitutionnelle, et qui serait dans la constitution si… la 3ème République avait eu une Constitution ! est la résultante de la pensée des Lumières françaises et particulièrement de celle de Condorcet et d’un siècle de luttes d’abord souterraines puis à visage découvert pour faire triompher la liberté de conscience et l’émancipation. Elle est aujourd’hui encore notre bouclier contre l’ordre moral, la garante de la liberté des cultes. Elle fait l’objet d’attaques permanentes de tous les bigots, de tous les intégristes, de tous les communautaristes. Elle est, avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, notre bien collectif le plus précieux.

Elle comprend cinq titres, le premier édictant en moins de cent mots les principes de notre liberté.

Les autres titres sont essentiels à son application, particulièrement les titres 4 et 5.


Titre Ier : Principes. (Articles 1 à 2)

Art. 1er. La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

Art. 2. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.

Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3

Titre II : Attribution des biens, pensions. (Articles 3 à 10)

Titre III : Des édifices des cultes. (Articles 12 à 17)

Titre IV : Des associations pour l’exercice des cultes. (Articles 18 à 24).

Citons en particulier :

Art. 18. Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.

Art. 19. Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte […]

Titre V : Police des cultes. (Articles 25 à 36)

Citons en particulier :

Art. 26. Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.

Art. 28. Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

Art. 31. Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

Art. 34. Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 3 750 euros. et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.

La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.

Art. 35. Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.

Titre VI : Dispositions générales. (Articles 37 à 43)

La consolidation : le préambule et les trois premiers articles

de la Constitution de 1958.

Ils nous gouvernent encore aujourd’hui. L’article 1er affirme la nature laïque de la République.

Préambule

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.

En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.

Art. 1er. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

Titre I – DE LA SOUVERAINETÉ

Art. 2. La langue de la République est le français.

L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

L’hymne national est « La Marseillaise ».

La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Art. 3. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.

Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.

Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.

La défense de la laïcité

la LOI n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics

Les attentats qui se sont succédé depuis 2012 et qui ont fait trois cents morts en France, ont fait prendre conscience à une immense majorité de Français que la laïcité, qu’ils croyaient définitivement acquise et consolidée, était attaquée de toute part et sans relâche depuis 1906. En particulier, parmi ses fondements, l’indifférenciation des personnes, dont l’égalité entre elle et devant la loi ne souffre pas d’exception, en particulier fondée sur le sexe, la couleur de peau, l’origine ethnique, la religion.

C’est pourquoi l’offensive islamiste qui a ciblé notre pays depuis les années 1980 nécessite que soient réaffirmés ou précisés les principes qui nous gouvernent et fondent les idéaux du peuple français. Comme de juste dans un pays démocratique fondé sur le droit, ce sont tous les citoyens, quelle que soit leurs options philosophiques et religieuses, qui doivent respecter la loi.

Cette loi est essentielle parce qu’elle réaffirme le caractère renforcé de la laïcité à l’école, afin d’offrir aux élèves cette « respiration laïque » nécessaire à la construction du raisonnement, de l’esprit critique et de la liberté de conscience.

Art. 1er. Il est inséré, dans le code de l’éducation, après l’article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 141-5-1. – Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »

Reprendre l’initiative : La loi confortant
le respect des principes de la République – 2021

Cette loi est la manifestation de la prise de conscience par l’État des dangers qui menacent la laïcité, clé de voûte de la Nation et de la société française. Elle est l’objet d’une réaction féroce de la part de ses adversaires qui craignent de perdre en quelques articles une bonne partie du terrain qu’ils ont tenté de reprendre à la laïcité depuis un siècle.

Les forces de la loi

La loi présente quatre grandes avancées.

  • Il confirme la neutralité du service public en l’étendant aux entreprises et associations délégataires ;
  • Il donne aux préfets les moyens légaux de contrôle de la neutralité des décisions et de l’action des collectivités territoriales ;
  • Il étend à toutes les associations ayant un objet cultuel, même si elles ne sont pas enregistrées sous le statut des associations cultuelles de la loi de 1905, les prescriptions de cette dernière et élargit le contrôle sur leur fonctionnement et leurs ressources afin de limiter les confusions entre objet cultuel et objet culturel ;
  • Enfin, il s’attaque à certaines causes et effets de la radicalisation extrémiste à base intégriste en :
  1. Renforçant les contrôles sur les enseignements prodigués dans les établissements privés hors contrat et à domicile ;
  2. Proposant des moyens de lutte contre la haine en ligne et la mise en danger des personnes, illustrées récemment de la pire des manières par l’assassinat du professeur Samuel Paty ;
  3. Luttant contre les comportements communautaristes contraires aux lois de la République et notamment contre les inégalités de traitement parfois dégradantes imposées aux femmes par des prescriptions religieuses qui voudraient prendre le pas sur les lois de la République.

La loi semble donc prendre la mesure du danger que représente, en particulier depuis quelques décennies, l’islam politique et radical – c’est-à-dire l’islamisme – prôné par les frères musulmans et les organisations salafistes, pour séparer les citoyens de confession ou de culture musulmane de la communauté nationale. Les rédacteurs de la loi ont veillé à ce que cette loi, comme toutes les lois de la République, conserve une portée universelle et puisse s’appliquer à toutes les formes de dérives religieuses et philosophiques sectaires, même si c’est aujourd’hui l’islamisme qui représente la menace principale contre la République.

La « loi confortant le respect des principes de la République » représente une occasion exceptionnelle, qui ne se répètera probablement pas avant longtemps, de réparer le lien abîmé par quarante ans d’errements gouvernementaux, de reculs et de compromissions, entre les Français et leur laïcité. Il aborde des sujets cruciaux pour l’avenir de notre pays et en particulier la laïcité, clé de voûte de l’unité nationale. Il serait donc très dommageable pour l’avenir du pays qu’il soit modifié et affaibli au point d’être dénaturé ou, au contraire, qu’il ne soit pas amélioré et complété en vue de proposer une grande loi structurante, d’éviter un texte de compromis boiteux, de répondre enfin à toutes les questions qui restent non résolues et menacent l’unité nationale, la liberté de conscience et in fine la République.

Les faiblesses de la loi

Nous avons évoqué ci-dessus l’opportunité et la nécessité d’une telle loi et énuméré ses qualités ; il paraît essentiel d’en pointer les insuffisances, les limites et les dangers dans sa forme actuelle.

  • Il est regrettable qu’une telle loi ne propose pas un préambule exprimant de manière solennelle sa philosophie et affirmant l’importance de ce geste législatif ;
  • Une telle loi ne peut pas faire, pour des raisons d’opportunité ou de calcul politicien, l’économie de certaines questions centrales pour le respect des principes républicains et l’unité de la Nation. Ainsi, il est malheureux qu’à aucun moment ne soient abordés, même de manière conservatoire et à titre documentaire, trois aspects essentiels des débats sur la laïcité, à savoir la nécessaire extension des lois de la République à la totalité du territoire métropolitain et ultramarin, l’anomalie que représente le financement public de l’école privée et la constitutionnalisation des principaux termes des articles principiels de la Loi de séparation des Églises et de l’État ;
  • Le mécanisme proposé dans la loi et destiné à inciter les associations cultuelles enregistrées sous le statut de la loi sur les associations de 1901 à l’abandonner pour rejoindre le statut d’association cultuelle de la loi de 1905, nous paraît peu efficace.

La possibilité offerte par la loi du 2 janvier 1907 sur l’exercice public des cultes, de déclarer une association cultuelle sous le régime de la loi sur les associations de 1901, était liée au refus de l’Église catholique de s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905 en matière de propriété des lieux de culte. La question immobilière soulevée par l’Église catholique ayant été – mal – résolue par les accords Briand-Poincaré-Ceretti de 1923-1924, il aurait fallu supprimer l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 et contraindre ainsi toutes les associations cultuelles à rejoindre le statut de la loi de 1905, dans un délai de quelques années, fixé dans la loi.

  • Cette loi ne porte pas précisément sur la laïcité scolaire. Il est cependant évident que la conscience citoyenne laïque et républicaine se construit au cours des années de formation initiale des jeunes Français. En conséquence on doit regretter l’absence de dispositions destinées à favoriser la promotion et la diffusion des principes républicains auprès des jeunes et à renforcer spécifiquement la prévention de leur possible radicalisation.

De même, il n’y a aucune raison de laisser hors du champ de l’obligation de neutralité des agents faisant action de service public, les bénévoles qui, à la différence des entreprises privées ou des associations délégataires, ne sont pas concernées par la loi. Or, par exemple, les sorties scolaires sont bien des activités de service public et non des activités de loisir puisqu’il s’agit d’une prolongation de la classe hors des établissements. Il est donc tout à fait normal que les accompagnants bénévoles qui sont ici auxiliaires du service public, manifestent la même neutralité religieuse ou philosophique que les employés des sociétés de transports en commun ou des sociétés de restauration scolaire. C’est même encore plus justifié et nécessaire puisque l’école publique est la cadre d’une laïcité renforcée destinée à développer le sens critique des enfants et à assurer l’édification de leur liberté de conscience.

  • La loi devrait être plus exhaustive en matière de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, nées de pratiques religieuses rigoristes et extrémistes. Ainsi aurait dû être abordé et caractérisé comme un comportement sectaire le voilement des mineures, en particulier des mineures de quinze ans.

Une disposition inacceptable

Les dispositions de l’article 28 autorisent les associations cultuelles à exploiter directement des biens immobiliers. C’est une véritable brèche ouverte dans la loi de Séparation qui pourrait conduire à terme à l’instauration d’une pratique concordataire.

  • La loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 accorde aux cultes des avantages fiscaux sur les dons des fidèles. Ces avantages permettent aux associations cultuelles d’échapper à l’impôt sur ces libéralités. Cette générosité de la République n’est légitime qu’à condition que l’association cultuelle qui en bénéficie se cantonne à son objet, l’exercice du culte. C’est à ce titre et dans ces conditions que la République garantit le libre exercice du culte (article 1er de la loi de Séparation du 9 décembre 1905). Depuis de nombreuses années, les responsables des cultes tentent d’obtenir la possibilité d’exploiter directement les biens immobiliers qui leur sont légués ou qu’ils reçoivent en donation. En effet, à ce jour, et même dans le cadre des assouplissements et des avantages conférés au culte catholique par le gouvernement de Vichy, ceux-ci ne peuvent exploiter directement les biens immobiliers qui leur sont transférés puisque cette exploitation ne ressort pas de l’exercice du culte.
  • L’exploitation directe des biens immobiliers par les associations cultuelles présente des inconvénients graves et nombreux :
  • Rupture d’égalité entre les cultes en fonction de la situation immobilière de chacun ;
  • Non soumission à l’impôt d’une activité commerciale sans rapport avec le culte du fait des avantages fiscaux consentis aux associations cultuelles
  • Rupture d’égalité vis-à-vis des exploitants immobiliers commerciaux ;
  • Subventionnement indirect des cultes, du fait de la nécessité de compenser l’impôt non perçu sur les successions et sur les bénéfices immobiliers commerciaux des associations cultuelles, par l’imposition complémentaire de tous les Français ou de toutes les entreprises ;
  • Rupture du principe d’exercice de l’activité cultuelle par l’autorisation de se livrer à d’autres types d’activités, ouvrant la voie à des futurs élargissements dans d’autres domaines ;
  • Une telle mesure présente un grave danger d’affaiblissement du principe de séparation, voire d’évolution vers une situation concordataire. En effet, elle présente un risque important de voir évoluer rapidement le paysage cultuel français vers une situation « à l’américaine », dans laquelle les cultes évangélistes se multiplieront pour assurer l’enrichissement de leurs pasteurs par la constitution de fortunes immobilières. En parallèle, la « course au legs ou à la donation » pourrait gangréner les cultes traditionnels et donner lieu à de nombreux scandales. Enfin, cette mesure risque de permettre la reconstitution d’empires immobiliers qui donneraient à terme aux cultes les contrôlant une influence très importante tant sur l’économie du pays que sur les décisions des obligés que seraient leurs locataires.

Pour tenter d’éviter de tels dangers, l’État se trouverait dans l’obligation de contrôler la réalité de l’objet cultuel d’une association exploitant des biens immobiliers et se déclarant « association cultuelle ». L’État devrait donc alors définir ce qu’est et ce que n’est pas un culte et de ce fait, se pencher sur la recevabilité d’un dogme et s’engager sur la voie d’une labellisation des religions. C’en serait donc fini de la séparation.

  • Plus généralement, et au-delà de la générosité de la loi de 1905 limitée aux dons, il n’est pas du ressort de l’État de financer directement ou indirectement le fonctionnement d’une association, fût-elle cultuelle, en l’autorisant à pratiquer une activité commerciale non soumise à l’impôt. Enfin l’intérêt public, supérieur aux intérêts particuliers ou associatifs, doit être préservé. À ce titre, l’exercice du droit de préemption de l’État et des collectivités sur les biens immobiliers ne doit pas être limité ou abrogé.
  • Enfin, cette mesure apparaît comme une « compensation » accordée par la République face au tarissement des financements étrangers recherché par la loi. Il aurait été de meilleure politique de traiter le problème à la racine en renforçant les contrôles sur ces sources de revenus des cultes, grâce à l’outil « Tracfin », quitte à accroître les moyens et les prérogatives de ce Service de renseignement, plutôt que de risquer de mettre gravement en danger l’équilibre de la Loi de Séparation.

Trois impératifs complémentaires, pour l’application réelle de la future loi

  • Il est essentiel que l’État se donne les moyens d’assurer la mise en œuvre de la loi. En effet depuis quelques décennies, les citoyens ont constaté que nombre de lois n’ont pas été appliquées ou qu’elles ne l’ont été que partiellement ou imparfaitement. Cette constatation a souvent donné le sentiment que les lois étaient adoptées plus par opportunisme politique que pour affirmer la règle commune. Or, cette loi loi est historique et ne peut subir telle déchéance. C’est pourquoi les questions des moyens accordés pour la mise en œuvre de la loi et pour les contrôles de son application sont décisives.

Les mécanismes mis en œuvre dans la « loi confortant le respect des principes de la République » ne trouveront leur pleine application que dans le respect de la loi de Séparation des Églises et de l’État.

  • La loi ne pourra être appliquée que si l’État et les collectivités locales cessent de subventionner directement les cultes, en contravention avec la loi de Séparation, au prétexte d’une activité culturelle dont chacun sait qu’elle recouvre des activités cultuelles. Les récents exemples du financement par la ville de Rennes de la rénovation d’un centre islamique et du financement par l’État et la Ville de Paris du Centre européen du judaïsme, démontrent que ces pratiques inacceptables sont de plus en plus courantes et distraient des investissements nécessaires au bien public des centaines de milliers, voire des millions d’euros.
  • De même, les discussions en cours et les solutions actuellement évoquées pour la création d’un « islam de France » et l’établissement d’une taxe halal, laissent craindre que cette nouvelle organisation donne au vainqueur des luttes intestines qui ont lieu entre les associations musulmanes, la main sur un réseau de propagande sur tout le territoire grâce au contrôle des mosquées et des centres cultuels/culturels, d’institutions reconnues par l’État permettant de diffuser son idéologie, de cadres et d’exécutants, d’école de formation des imams et d’école destinées à former des cadres politiques (voir le lycée Averroès). Qui contrôlera la création de l’islam de France pourra disposer d’un État dans l’État. On peut douter alors de la conformation d’une telle organisation à l’esprit et à la lettre de la Loi de Séparation et de la « Loi confortant le respect des principes de la République ».

1 Ferdinand Buisson, in discours au congrès du Parti radical et radical-socialiste, 1903