Libre Pensée, Ligue des droits de l’Homme. Entretenir la confusion
Depuis quelques semaines, la Fédération nationale de la libre Pensée (FNLP) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) réclament avec insistance le soutien du monde laïque face aux critiques dont ces deux associations font l’objet.
Beaucoup, à l’évocation de ces deux noms qui se sont illustrés dans le combat laïque et républicain depuis la fin du 19e siècle, se sentent tenus de leur apporter leur appui.
Mais, en 2023, à qui donnent-ils ainsi ce blanc-seing laïque et républicain et à quel propos ?
Depuis le début des années 2000, la FNLP, au nom du tiers-mondisme et d’une vision binaire de la société, a sacralisé l’islam en tant que religion des opprimés. Elle a voulu rendre impossible toute critique de l’islamisme et du conservatisme religieux exacerbé de cette religion qui n’a pas encore été sécularisée par la pensée des Lumières et par la République. A ce titre, cette association a adopté tous les travers de la pensée islamogauchiste et qualifie de fasciste toute critique de l’islam et même de l’islamisme, peu sensible aux effets dévastateurs de l’intégrisme musulman sur notre pays.
En revanche, la FNLP, marquée par les luttes anticléricales du 19e siècle et du premier 20e siècle, réserve tous ses coups à l’Église catholique. Cette vigilance est nécessaire et nous la partageons. Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que l’Église catholique a renoncé à sa volonté de domination morale, idéologique et politique sur la société. La longue traîne des lois scolaires adoptées depuis les années 1950 favorise scandaleusement l’école privée confessionnelle ; l’Église tente en permanence – et hélas souvent avec succès – de faire financer ses dépenses par le contribuable ; elle se livre sciemment et constamment à des provocations, comme l’érection d’une statue religieuse sur l’espace public, en contravention absolue avec la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, de manière à manipuler les émotions de la population. Tous ces faits ne laissent aucun doute sur sa volonté d’affaiblir, voire de supprimer la Séparation.
Et lorsque la justice fait appliquer la loi, les intégristes et les catholiques réactionnaires, ayant obtenu leur martyre, se victimisent et se déchaînent, en particulier contre la FNLP, qui est souvent à l’origine de ces plaintes justifiées.
Mais, et ce « mais » est essentiel, quelle est la légitimité de ce combat, quand il n’est jamais question de la fureur islamiste, des trois cents morts, des centaines de blessés, des milliers de traumatisés qu’elle a provoqués dans notre pays ? Quand il n’est jamais question de la mainmise intégriste sur une part de plus en plus grande des Français musulmans des banlieues, quand il n’est jamais question de combattre le voilement des femmes et des fillettes, ou le port de la burqa de bain dans les piscines ?
Mais, et ce « mais » est essentiel, quelle est la légitimité de ce combat, quand la FNLP attaque avec une grande violence verbale les associations laïques qui combattent tous les intégrismes, dont le plus dévastateur aujourd’hui que cette organisation refuse contre toute évidence de nommer ?
La Ligue des Droits de l’Homme a connu, la première, dès les années 1980, la même dérive islamogauchiste à laquelle s’ajoute, dans cet organisme où dominent les avocats, la question spécifique des droits de l’individu, devenue le seul horizon de cette association, qui désormais tend à considérer comme légitime la transformation de tout désir individuel en un droit-créance.
C’est ainsi qu’au nom de la défense automatique et immédiate de l’individu-roi contre toute décision préservant la société, la fraternité universelle, l’émancipation, la République laïque, la LDH s’est opposée à l’interdiction du port des signes religieux ostensibles à l’école, a participé à un colloque avec Tariq Ramadan après le Bataclan, a soutenu l’Imam Iquioussen et se trouve aux cotés des intégristes religieux musulmans en toute occasion. C’est ainsi que la LDH relativise la lutte des Iraniennes contre la soumission à l’intégrisme. C’est ainsi que cette association, pour les mêmes raisons, indigénisme, décolonialisme, dérives woke, affirme sans relâche son « antisionisme » et s’abstient d’être présente ou partie prenante au procès de l’Hyper Casher… Où sont les descendants de ceux qui fondèrent la LDH pour la défense du capitaine Dreyfus ?
Aussi, lorsqu’un ministre de l’Intérieur, quels que soient nos désaccords avec sa politique, s’interroge sur la légitimité du subventionnement public de la LDH, antilaïque, antirépublicaine, ralliée au modèle anglo-saxon communautariste et séparatiste, il est bien dans son rôle. Rôle dont nous aimerions que chaque ministre, chaque fonctionnaire de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale, le prenne toujours à cœur, à l’opposé de tous les renoncements et de tous les opportunismes auxquels nous assistons.
Il faut bien admettre, avec une immense tristesse, que ces associations n’ont plus grand-chose à voir avec leur glorieuse histoire. Elles servent aujourd’hui à égarer les citoyens en entretenant la confusion que les tenants de la laïcité adjectivée et dévoyée diffusent à pleines pages depuis près de quarante ans.
Force est de constater que ces associations ne sont plus les compagnons de route de notre engagement républicain. Nous ne travaillons plus ensemble depuis bien longtemps pour l’émancipation, la citoyenneté ou la défense des valeurs universelles de la République… Elles n’œuvrent plus sans relâche à la République indivisible et laïque. Et si nous avons en mémoire leur magnifique passé, c’est pour nous en inspirer aujourd’hui en rebâtissant un grand mouvement populaire laïque et républicain, non pour nous aveugler sur ce qu’elles sont devenues.