Rien n’est jamais acquis à l’Homme…

Quand l’antisémitisme devient prétexte au triste badinage de Blanche G. et Guillaume M.

Louis Aragon, dans Le Voyage de Hollande, intitule un de ses poèmes « L’été pourri ». On conviendra que tant pour des raisons météorologiques que politiques, ce titre correspond parfaitement à la saison que nous traversons. Le titre du recueil aussi, d’ailleurs, qui nous rappelle que le 7 juillet nous risquons de nous donner comme chef un Geert Wilders à la française.

Dans ce poème résonne le quatrain suivant : Je me croyais libre / Sur un fil d’acier / Quand tout équilibre / Vient du balancier. Depuis quelques semaines ces mots qui en disent plus sur le libre-arbitre qu’un long traité, font immanquablement penser à nos humoristes héroïquement antisémites et islamogauchistes.

Jusqu’au 7 octobre, ceux-ci, quelles que fussent leurs opinions, laissaient rarement échapper, du moins en public, leur haine du juif, de la République, de l’universalisme ou de la laïcité. Une quenelle par ci, une allusion infâme par là, mais rien qui pût troubler une société qui s’accoutume depuis des années à leur aversion à la République.

Ainsi, le balancier chanté par Aragon est tombé. Et ceux qui se croient libres d’affirmer des opinions ignobles qui tiennent de l’appel au meurtre et de l’incitation au pogrom, ont soudain le sentiment que leur liberté s’est élargie. Mais, parce qu’ils n’ont pas vu que le balancier manquait, ils n’ont pas compris non plus que ce qu’ils prennent pour la continuation de leurs « libres » opinions est en fait un basculement dans la haine ontologique de tous ceux qui rêvent d’une société émancipée.


Guillaume Meurisse réitère ses paroles dignes de l’Okhrana et des Protocoles des sages de Sion sans que cela ne heurte finalement grand monde ; Blanche Gardin, la petite-bourgeoise, met une cible dans le dos de Sophia Aram, la fille d’immigrés qui appelle à l’émancipation, en la taxant d’islamophobie. C’est de cette accusation qu’est mort Samuel Paty. Et tout cela devant des salles hilares, auxquelles on donne enfin le droit, le devoir, d’être démocratiquement antisémites, antilaïques, antirépublicaines. Cela ressemble tant aux débuts de Dieudonné et aux idées de Soral… Mais heureusement , Guillaume et Blanche combattent le RN.

Ces médiocres individus n’ont pas compris que c’est le balancier perdu de la « common decency » républicaine qui les empêchait jusque-là de sombrer dans la fange. Ils ont le sentiment qu’ils n’ont pas changé, alors qu’ils sont devenus des antisémites, manipulés par l’islam radical. Ils l’étaient déjà avant sans doute, mais aujourd’hui ils le disent, l’affirment, se vautrent dans la haine, au nom d’une réalité totalement manipulée, d’un théâtre d’ombre, d’un beau miroir qui chaque jour leur dit que haïr les juifs, les combattants de l’émancipation, de la fraternité, de la laïcité, de la République, est non seulement licite, mais vertueux.

Pour eux, Sophia est haram. Mais c’est bien parce qu’ils aspirent à être hallal.

Jean-Pierre Sakoun

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