Sansal, Gleizes, le sinistre jeu des otages

La sentence que nous feignions tous d’attendre est tombée. Sans grande surprise, Boualem Sansal, incarcéré depuis sept mois en Algérie, a été condamné en appel à cinq ans de prison.

Le juge confirme ainsi la peine prononcée en première instance le 27 mars. Il échappe, triste consolation, aux dix ans requis par le procureur. L’absurde accusation d’« atteinte à l’unité nationale » a été maintenue. Boualem Sansal n’a eu de cesse de contester cette incrimination ; il a plaidé, lui, la liberté d’expression de l’homme de lettres : « Vous faites un procès à la littérature ». En réalité, nul n’est dupe du fait que le cas Sansal dépasse la seule affaire judiciaire. C’est désormais une affaire politique liée à la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental.

Les autorités françaises, tétanisées, affichent leur impuissance tout en se targuant de jouer la carte de la retenue, dans l’attente de la date fatidique du 5 juillet et d’une hypothétique grâce présidentielle de la part d’Abdelmadjid Tebboune. Un sinistre jeu du chat et de la souris dont l’issue est plus qu’incertaine et qui pourrait paraître dérisoire si la vie d’un vieil homme malade de près de 80 ans n’était en jeu.

La discrétion – voire l’effacement – et la diplomatie montrent leurs limites comme en témoigne la condamnation en Algérie, à sept ans de prison ferme, d’un autre français, le journaliste sportif Christophe Gleizes. Il est, lui, accusé « d’apologie du terrorisme » pour avoir contacté, dans le cadre de son métier, un dirigeant de club de foot de Tizi Ouzou par ailleurs affilié à un mouvement d’autodétermination de la Kabylie. Cette condamnation intervient après que C. Gleizes a été placé pendant une année en résidence surveillée et qu’on lui a interdit de quitter le territoire algérien en attente de son procès. La réserve de la France et de Reporters sans frontières sur son cas afin de « donner des chances » à la diplomatie, a fait une fois de plus long feu.

Ce sont désormais deux otages français que l’Algérie détient dans ses geôles. Sans oublier les deux
mandats d’arrêt internationaux émis par l’Algérie contre Kamel Daoud, pour une affaire ubuesque de prétendue atteinte à la vie privée d’une personne qui se serait reconnue dans le roman qui lui a valu le prix Goncourt. Le pouvoir algérien n’aime décidément ni les hommes de lettres ni les journalistes, en particulier lorsqu’ils sont francophones et français. À telle enseigne que la France protège sur son sol un grand nombre de ceux qui sont menacés en Algérie.

Dans le même temps, comme pour couronner cette sordide mascarade, Alger déroulait le tapis rouge à Sébastien Delogu, député LFI des Bouches-du-Rhône et candidat putatif à la mairie de Marseille en 2026, venu sans aucun doute pour lancer sa campagne. Dans une longue interview lunaire donnée à un média algérien, il dénonce les ministres français, nostalgiques de l’OAS (et même les descendants de ses fondateurs, ciblant ainsi Philippe Tabarot, ministre délégué chargé des transports) qui insulteraient le « grand et fort peuple algérien ». Il célèbre aussi « les politiques visionnaires » du gouvernement Tebboune, lui, dont « les racines sont en Algérie » et dont « le grand-père a été sauvé par le FLN ». Son intervention a depuis lors été désavouée par LFI. Les dirigeants de ce mouvement n’en pensent pas moins, mais ils ont l’hypocrisie qui fait défaut au député Delogu, dont on rappellera qu’il a été exclu quinze jours de l’Assemblée nationale en 2024.

L’heure est à la flagornerie. Aussi, de nos deux compatriotes embastillés par ce régime, le député ne dit pas un mot. D’ailleurs, les élus de la France Insoumise, n’ont-ils pas, tant à l’assemblée nationale qu’au parlement européen, voté contre une résolution demandant la libération de notre compatriote Boualem Sansal ?

Face à la prudence attentiste de l’État, si mal payée en retour et au mépris abyssal et au cynisme révoltant du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, Unité laïque refuse de baisser les bras et continuera son combat pour soutenir nos deux compatriotes et, à travers eux, la liberté de conscience, la liberté d’expression et d’information.

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