Non au contournement de la loi de Séparation des Églises et de l’État
Nous avons découvert, non sans stupeur, la volonté du Gouvernement de contourner la loi de 1905 afin de financer la rénovation thermique des presbytères et des salles paroissiales appartenant à l’Église catholique.
Cette question a été abordée au cours de la réunion de « l’instance annuelle de dialogue entre le Gouvernement et L’Église catholique ». Durant cette rencontre qui s’est déroulée sous le patronage de la Première ministre et que d’aucuns pourraient considérer comme contraire au principe de laïcité, les parties prenantes ont discuté de sujets divers, allant des enjeux éthiques liés à la fin de vie, jusqu’à la sauvegarde des édifices cultuels et donc, de la rénovation énergétique des presbytères et des salles paroissiales.
Dans un article paru quelques heures avant cette rencontre, La Croix alertait à propos d’un « dossier très technique mais politiquement sensible. La loi de 1905 interdit tout financement public de l’entretien ou des travaux des locaux des associations cultuelles, tels que les salles paroissiales ou presbytères des communautés catholiques (…) Or le gouvernement envisage, au terme d’un “travail commun” déjà engagé depuis plusieurs mois, de déroger à ce principe pour permettre des subventions de la rénovation thermique des bâtiments. »
Dans le communiqué de presse rédigé à la suite de cette rencontre, le Gouvernement abonde en ce sens, en indiquant qu’en matière de « transition écologique, il s’est notamment engagé à faciliter l’accès aux dispositifs de soutien à la rénovation énergétique en faveur des organisations religieuses, au besoin en modifiant les règles applicables ».
Le pouvoir exécutif serait donc prêt à sacrifier la loi de séparation de l’Église et de l’État sur l’autel de la rénovation thermique des bâtiments appartenant à l’Église catholique !
S’il n’est pas question pour nous de remettre en cause l’impérieuse nécessité de restaurer tous les bâtiments anciens, conformément aux accords de Paris sur le climat et aux exigences imposées par la crise écologique, cette politique publique ne saurait être menée contre le principe de laïcité, consubstantiel à notre idéal républicain. Pis, elle ne saurait masquer les propres turpitudes de l’État français et de l’Église catholique.
L’État français d’abord, qui peine aujourd’hui à remplir ses objectifs en matière de rénovation des passoires thermiques, comme l’a sévèrement indiqué la Cour des comptes dans un rapport publié à l’automne 2022. Pour corriger cette trajectoire, le Gouvernement entend accélérer le mouvement, en dérogeant à toutes les règles applicables, y compris la loi de 1905, afin d’accorder un subventionnement à l’Église catholique. Sans doute faut-il voir dans cette manœuvre une façon de « restaurer le lien entre l’Église et l’État » selon la formule prononcée par le chef de l’État, lors du trop célèbre discours qu’il prononça aux Bernardins en avril 2018 devant la Conférence des évêques de France, une première d’ailleurs pour un président de la République depuis 1905.
L’Église catholique ensuite, trop contente de tordre le principe de laïcité selon les circonstances. Ainsi, elle sollicite le concours de la puissance publique lorsqu’il s’agit de classer la basilique du Sacré-Cœur monument historique, afin d’assurer l’entretien de l’édifice ou lorsqu’elle doit procéder à la rénovation des presbytères et des salles paroissiales lui appartenant. A contrario, elle revendique une séparation stricte quand la menace de l’imposition de critères sociaux pèse sur les établissements scolaires privés dont elle a la charge ou quand
les auteurs du rapport sénatorial sur les édifices cultuels proposent que ces lieux soient soumis à un « usage partagé » pour éviter que ceux-ci tombent en ruines.
Au nom de nos idéaux républicains, nous refusons de rester silencieux devant ce jeu de dupes qui remet très profondément en cause le principe de laïcité que notre association fait vivre au quotidien. La loi de Séparation des Églises et de l’État, dont Jean Jaurès disait avec raison qu’elle a été notre plus grand achèvement politique après la Révolution française, est l’un des piliers de notre République laïque et sociale.
Nous serons aux côtés des millions de citoyennes et de citoyens attachés à notre patrimoine laïque, pour lutter, vaille que vaille, contre toutes les actions visant à vider la loi de 1905 de sa substance.