Samuel Paty, 5 ans après – Discours Alain Seksig

« Cinq ans déjà, que cela passe vite cinq ans ! Il est des dates qu’on ne peut oublier et chacun ici se souvient de l’état de sidération dans lequel l’a plongé la nouvelle foudroyante du 16 octobre 2020, l’assassinat, par décapitation, d’un professeur dont on ne prononçait pas encore le nom, tout près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine.

« Il est des évènements qui marquent une vie au fer rouge » écrira plus tard Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel. C’est la première phrase du livre qu’elle a écrit avec Émilie Frèche : « Le cours de monsieur Paty ».

Avec l’assassinat de Samuel Paty, puis, trois ans plus tard, celui de Dominique Bernard, c’est la République elle-même et son école qui ont été cruellement frappées au cœur. C’est que toutes deux sont de longtemps des cibles privilégiées de l’islamisme.

C’est ce qu’expliquait le 13 octobre 2020 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le professeur des universités Bernard Rougier, l’un de nos plus fins analystes du danger islamiste, devant les représentants de toutes les académies.

En appui de son propos, il citait des extraits du magazine en langue française de Daech : Dar al islam (n°7, décembre 2015). En voici quelques lignes :

« Le musulman doit savoir que le système éducatif français s’est construit contre la religion en général et que l’Islam en tant que seule religion de vérité ne peut cohabiter avec cette laïcité fanatique ».

L’opposition est totale parce que :

– La laïcité est la séparation de la religion et des affaires de l’Etat. Le musulman, lui, sait qu’Allah est Le seul législateur.

– Les mécréants et les musulmans ne sont pas égaux.

– Les hommes et les femmes ne sont pas égaux –

– Le prosélytisme est une obligation pour chaque musulman

– L’Islam n’accepte pas :

  • La liberté de conscience
  • L’interdiction de la prière
  • La banalisation de la fornication et de l’homosexualité
  • La mixité
  • L’interdiction du hijâb
  • Le dessin des êtres dotés d’âmes
  • La musique

Les fonctionnaires de l’éducation nationale qui enseignent la laïcité tout comme ceux des services sociaux qui retirent les enfants musulmans à leurs parents sont en guerre ouverte contre la famille musulmane ».

Tous ceux qui étaient présents à cette réunion du 13 octobre 2020 en Sorbonne, ne sont pas prêts d’oublier les propos que leur avait alors tenus le professeur Rougier. La terrible preuve de leur incontestable pertinence devait rapidement éclater sous leurs yeux, à peine trois jours plus tard, le 16 octobre 2020, voici cinq ans déjà.

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Samuel Paty et Dominique Bernard, sauvagement assassinés parce qu’ils enseignaient, est précisément de faire rempart au découragement, à la peur et au renoncement, qui ne doivent pas gagner nos salles de classe. C’est de résister aux tentatives d’intimidation et de nous montrer collectivement plus forts que la volonté d’imposer la peur.

A fortiori, à l’heure où un antisémitisme d’atmosphère qu’on pensait depuis longtemps réservé aux seuls livres et documentaires historiques, semble s’installer à nouveau, de manière sans doute minoritaire mais décomplexée, dans nos établissements scolaires mêmes.

C’est en confiance, en cohérence et en cohésion que l’action de l’école doit s’exercer, celle, individuelle et collective des professeurs et de l’ensemble des personnels.

Confiance, cohérence et cohésion, à la condition, il est vrai, qu’au plus haut niveau de l’Institution et de l’État, la même impulsion soit donnée. Il faut, pour redonner courage aux enseignants et confiance dans les valeurs qu’ils incarnent, faire montre d’une ambition politique sans précédent sur le sujet. Les professeurs et l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale doivent pouvoir s’adosser à l’École de la République, sentir cette confiance pour l’insuffler à leur tour.

C’est à la nation tout entière de se tenir derrière ses professeurs, qui sont en première ligne, qui forment nos futurs concitoyens et sur qui reposent tous les espoirs pour notre jeunesse.

Faisons donc de la laïcité à l’école une Grande Cause nationale de la République, comme l’appelle de ses vœux notre amie Delphine Girard, ce matin encore sur Europe 1.

Entre phénomène d’autocensure des enseignants, fracture générationnelle et réponses institutionnelles variant au rythme des changements de ministre, nous voyons bien que nous devons amplifier nos efforts collectifs, notamment pour la formation des agents publics de l’éducation nationale. Sans doute est-ce une question de moyens, mais plus encore affaire de volonté politique.

A cet égard, je voudrais pour conclure, citer le grand écrivain israélien Amos Oz. En 2003, deux ans après l’attaque apocalyptique du 11 septembre 2001, celui-ci publiait dans le Figaro un texte intitulé « L’antidote à la paranoïa » qui m’avait littéralement saisi. En voici un extrait qui doit nous parler aujourd’hui encore :

« Il manque aux modérés la force de la conviction : ils ne sont pas saisis de la même ferveur que les fanatiques religieux lorsqu’ils défendent leur cause. Les modérés aujourd’hui ne doivent plus craindre de s’enflammer. Ceux qui connaissent l’alliance de la modération et de la détermination méritent d’avoir le monde en héritage, et ce parce qu’ils n’auront jamais lancé ni croisade, ni jihad pour sa possession ».

Discours de Alain Seksig, IA/IPR honoraire, représentant du président du CLR
Hommage à Samuel Paty, 16 octobre 2025