Samuel Paty, 5 ans après – Discours Basile Ader

« Je suis très heureux que le Barreau de Paris ait pu s’associer à cet hommage, cinq ans après l’assassinat de Samuel Paty, à l’initiative de l’association Unité Laïque, dans cette belle salle Rossini, ici, à la mairie du 9ᵉ arrondissement de Paris.

Et vous avez raison, madame la Maire : c’est hautement symbolique que nous soyons au cœur de Paris, là où l’histoire s’est faite. C’est ici que s’est jouée la conquête de la liberté, sur les barricades de 1830, de 1848, puis de 1870.Et c’est sur ces fondations que notre République s’est construite, autour de grandes lois républicaines, qui les piliers de notre démocratie, en particulier : la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et la loi de 1905 consacrant la séparation de l’Église et de l’État.

Les dépositaires et gardiens du bon ordre républicain, de la liberté, de la règle commune, ce sont aux premiers chefs : la presse, le barreau, mais aussi l’école républicaine.

C’est un professeur, dans l’exercice de ses fonctions, un professeur d’histoire-géographie, qui a rappelé un fait d’histoire fondamental. Il l’a fait pour transmettre et incarner les grands principes républicains : la liberté d’expression et la laïcité.

Il a voulu expliquer les raisons pour lesquelles la rédaction de Charlie Hebdo avait été visée en janvier 2015. À savoir : la publication de caricatures de Mahomet, en solidarité avec un journal danois, caricatures qui avaient provoqué une vive colère dans une partie du monde musulman.

Et rappelons-le, ces caricatures étaient parfaitement légales et jugées comme tel au terme d’un procès retentissant, et il était souhaitable, dans une démocratie qui vise à éveiller l’esprit critique des jeunes citoyens, qu’elles soient montrées dans ce cours.

Les conditions dans lesquelles Samuel Paty n’a pas été protégé comme il aurait fallu par son institution, parfois critiqué, voire lâché, sont indignes. Alors que dans le même temps, une fatwa numérique se déclenchait sur les réseaux sociaux, orchestrée par des personnes qui n’avaient aucune idée de ce qui s’était réellement passé, mais qui ont désigné Samuel Paty à des tueurs.Cet enchaînement tragique restera à jamais, à son tour, inscrit dans l’histoire de notre République.

Au moment de nous recueillir aujourd’hui, et de partager à nouveau l’émotion profonde que suscite encore cet assassinat, je dois le dire avec sincérité : la liberté d’expression ne se porte pas mieux qu’hier, alors qu’elle n’a jamais été aussi bien protégée par la loi et la jurisprudence, notamment en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mais dans les faits, elle recule. Elle recule sous les coups de l’autocensure dans les rédactions, dans les salles de classe, et dans les amphithéâtres universitaires. Il faut aujourd’hui beaucoup de courage pour oser montrer des caricatures de Mahomet, ou pour faire de l’humour sur les dogmes religieux liés à l’islam.

Cette intimidation insidieuse, cette pression constante contre nos valeurs et notre histoire républicaine, est devenue une véritable préoccupation. Et c’est une préoccupation majeure pour le Barreau de Paris !

Je suis heureux, ce soir, de pouvoir en témoigner devant vous, et notamment devant les élèves présents ici. Car ce sont eux qui auront demain la responsabilité de reprendre le flambeau de la liberté d’expression et de la laïcité.

Un dernier mot, pour conclure.

Je pense qu’il est injuste, voire insultant, de considérer que nos concitoyens musulmans ne seraient pas accessibles à l’humour, à la satire et à la dérision, lesquels sont, au fond, des formes supérieures de l’intelligence humaine et de la civilisation.

Là est le véritable racisme ! »

Discours de Basile Ader, vice-bâtonnier honoraire du Barreau de Paris, représentant le bâtonnier Pierre Hoffman
Hommage à Samuel Paty, 16 octobre 2025