La République, fin et suite ?
On a cassé la République. 150 ans d’histoire de la nation, par Pierre Vermeren, Tallandier, 320 p., 19,90 €
L’historien Pierre Vermeren publie une histoire de 150 ans de République. Revigorant et stimulant.
Ne pas se fier au titre : « On a cassé la République ». On pourrait imaginer que l’auteur a rédigé un pamphlet énervé en quelques jours. L’historien Pierre Vermeren propose ici un essai qui n’a rien de superficiel et de conjoncturel. L’auteur assure que les élites du nouveau régime né en 1870 ont « rudoyé » le peuple pour lui inculquer son républicanisme. Qu’ils étaient monarchistes de cœur et qu’ils sont devenus républicains de raison. Si Marianne a fini par s’imposer, c’est parce qu’elle a procuré un bien-être matériel à ses enfants, grâce aussi à l’ascension par le mérite qu’elle a longtemps permise. Vermeren constate qu’en dépit des incantations dont elle est régulièrement l’objet, la République s’est profondément modifiée au cours de ces trois demi-siècles. La méritocratie est tombée en panne à partir des années 1980. La cassure principale, Vermeren la situe en 1969 avec le départ du Général de Gaulle, signant ainsi la fin d’un monde, celui d’une « anthropologie particulière de la civilité », « d’un système culturel collectif » aujourd’hui évaporé.
L’école et l’armée ont joué un rôle majeur dans la structuration et dans la consolidation du régime. L’auteur a raison d’établir cette analogie car, sous la IIIe République, un instituteur percevait le même salaire qu’un capitaine, un professeur qu’un colonel et un universitaire qu’un général. D’autant que depuis, la conscription a disparu et l’école a perdu la mission civique que lui assignait le régime républicain. L’effondrement de la transmission culturelle n’est que l’un des avatars de cette renonciation. Elle a alimenté une dépréciation collective dans la manière dont les Français se perçoivent à travers leur spécificité culturelle.
Horizon indépassable
Pierre Vermeren insiste aussi sur les évolutions économiques et sociales. Au-delà d’une « sécession des élites » passées « de l’intérêt général à l’enrichissement personnel », la financiarisation, la désindustrialisation et la tertiarisation qui se sont accélérées depuis 40 ans ont rompu avec un modèle prégnant depuis le XIXe siècle autour d’un secteur agricole puissant et de la petite entreprise. Tandis que les emplois productifs s’amenuisaient, ceux des administrations gonflaient. La France importe désormais 45% de sa consommation alimentaire et c’est l’équivalent d’un département qui est bétonné chaque décennie dans cette France « périphérique » marginalisée dans l’imaginaire national.
Depuis 1977, aucune majorité politique sortante n’a été reconduite. La démocratie a amplifié ses travers technocratique, bureaucratique et juridique, éloignant un nombre croissant de citoyens des urnes. La République demeure-t-elle l’horizon indépassable du peuple français ? A l’évidence, si le régime n’est pas en voie d’effondrement comme il a pu l’être à certaines périodes, pour Pierre Vermeren, c’est en revanche son « esprit » qu’il conviendrait de reconstruire.
Philippe Foussier
2021