Georges Bensoussan – Un exil français, un historien face à la Justice
Bensoussan, Georges, Un exil français. Un historien face à la justice, Paris, L’Artilleur, 2021.
Une phrase prononcée par Georges Bensoussan lors de l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut sur France Culture en octobre 2015 provoque quatre ans de procédures, de « jours sombres » comme il les nomme, et une doxa qui l’exclut socialement.
G Bensoussan osait dénoncer l’ampleur de l’antisémitisme dans la population dite musulmane en France. Paraphrasant à peine des propos du sociologue Smaïn Laacher, il avait dit : « l’antisémtisme on le tète avec le lait de sa mère ». Smaïn Laacher, avait précisément dénoncer un « antisémitisme d’abord déposé dans l’espace domestique et dans la langue » et assuré qu’« une des insultes des parents à leurs enfants quand ils veulent les réprimander » consiste à « les traiter de juifs ». « Mais ça, toutes les familles arabes le savent »
Ces propos détournés et sortis de leur contexte ont été utilisés par tous ses détracteurs et leurs motivations respectives. Pendant ces quatre années, recevant une multitude d’attaques, il fait plusieurs constats sur la situation de la France, il les décrit et les analyse comme un « fait social total » en suivant Les règles de la méthode sociologique de Durkheim. Les idées et les hommes politiques, les associations, tous y passent et sont critiqués avec précision. Au fil des pages, on s’alarme de cette liste qui s’allonge mais on trouve, heureusement dans un souffle court, quelques manifestations de solidarité au milieu de ce marasme, un réel soutien de personnalités dont la droiture est infaillible. Et on admire la résistance exemplaire de l’accusé !
Un acharnement
Juridique : islamisme et gauchisme
La première plainte vient de Smaïn Laacher qui semble craindre les futures manipulations qui seront faites – étrange façon de les prévenir en trahissant ses idées… Il la retirera sans plus d’explication. Le CCIF la reprend alors et suivra les méandres de la justice jusqu’à arriver à la Cour de Cassation où il sera finalement débouté pour la troisième fois. Que l’Islam politique utilise cet événement est aujourd’hui chose assez banale, le « djihad judiciaire » est maintenant bien connu. Ce qui étonne le plus (à l’époque des faits) est le nombre d’associations qui se portent partie civile, la LDH en premier, puis le MRAP, SOS Racisme, et, coup de tonnerre, la LICRA, accompagnées par des articles et interviews à charge de certains médias.
Social : règlement de compte et lâcheté
La stupéfaction vient d’ailleurs : son exclusion du Mémorial de la Shoah. Alors qu’un soutien serait évidemment attendu de la part de cette institution, là où l’on connaît les combats de Georges Bensoussan, et où personne ne peut soutenir une mauvaise interprétation de ses propos, on le fait taire. Cette affaire devient l’occasion de règlements de compte liés à des opinions divergentes sur l’antisémitisme montant depuis des années. Georges Bensoussan a le malheur de balayer des certitudes rassurantes et se confronte ainsi à une partie de la communauté juive. Nous pourrions lire cette partie comme le dernier chapitre du livre d’Alain Finkielkraut, Le juif imaginaire.
Nous comprenons alors que cette double épreuve induit le choix de ce titre si saisissant.
Les causes et possibilités de cet acharnement
L’émission de 2015 n’est qu’un prétexte. Georges Bensoussan est dans la ligne de mire des islamistes, des islamo-gauchistes et de leurs acolytes depuis plus de quinze ans. Ils lui reprochent d’être le coordinateur du livre collectif Les territoires perdus de la République (2002) qui dénonçait l’entrisme des mouvements fréristes dans les écoles et les quartiers difficiles, puis de Une France insoumise (2017) où est montré comment cet entrisme se diffuse dans les institutions (mairies…). Enfin dans un autre livre Les juifs dans les pays arabes (2012), il révoque le mythe de la bonne entente entre musulmans et juifs jusqu’à la colonisation et celui de la responsabilité de l’Occident dans l’antisémitisme arabe, et pointe l’antisémitisme montant et le déni d’une grande partie de la gauche face à ces sujets.
Un premier constat est que la Justice n’a pas les moyens de contrer ces djihads judiciaires, et doit suivre les procédures imposées jusqu’à la dernière même si à chaque étape les accusateurs sont mis en défaut. La liberté d’expression se retrouve souvent sur les bancs des accusés.
Le second constat est la faiblesse de notre environnement intellectuel qui rend d’autant plus efficace l’emprise idéologique : la morale prend le pas sur la vérité, la notion de bon sur celle de vrai. Et ceci est décidé par une part de la société imprégnée de décolonialisme compassionnel, d’antiracisme dévoyé menant au racialisme, marchant soi-disant pour une paix sociale et troquant la laïcité contre la religion choisie comme seule vision du monde. Devant ceci, la crainte de manquer de mettre en avant le combat contre le racisme, d’être complice d’islamophobie, aveugle certains et développe chez d’autres une lâcheté ou même un zèle néfaste.
Ce livre donne, au-delà de « l’affaire Bensoussan », une image d’une société très fragile, les fractures y sont multiples. Il met en avant une incapacité à se regrouper pour combattre les réelles menaces de l’islamisme et de ses soutiens.
Mariane Riss – pour Unité Laïque