Le 24 février 1848, naissance de la Deuxième République
Moments d’histoire février 2022
Le 24 février 1848 Louis-Philippe, roi des Français, abdique après dix-huit ans de règne. La Deuxième République est proclamée. Après cette date, aucun roi ne régnera plus sur la France. C’est donc le terme de quatorze siècles de royauté (à partir de Clovis Ier, roi de Francs), féodale, absolue ou constitutionnelle. Février 1848 apporte donc un nouveau changement de régime (ou – mot d’époque – de « système » politique), le quatrième au bas mot depuis 1789.
Louis-Philippe qui a défini lui-même sa politique comme celle du « juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal » n’a pas su maîtriser les bouleversements économiques et sociaux et répondre à la demande d’une démocratie renforcée (réforme parlementaire et réforme électorale).
Les associations étant encadrées et les rassemblements publics interdits à partir de 1835, l’opposition est bloquée. Pour contourner cette loi, les opposants suivent les enterrements civils de certains d’entre eux, qui se transforment en manifestations publiques. Les fêtes de famille et les banquets servent également de prétexte aux rassemblements. La « campagne des banquets », à la fin du régime, se déroule dans toutes les grandes villes de France. Louis-Philippe interdit le banquet de clôture le 14 janvier 1848 à Paris. Le banquet, repoussé au 22 février, va provoquer la Révolution de 1848, la troisième révolution française après la Révolution de 1789 et celle de 1830. Elle se déroule à Paris du 22 au 25 février 1848, avec manifestations, érection de barricades, affrontements avec la Garde nationale, fusillades. Le peuple est dans la rue, le monde ouvrier coudoyant la jeunesse estudiantine et la petite bourgeoisie. Les trois journées de février auraient fait 350 morts et plus de 500 blessés.
Le 24 février, à 15 heures, Alphonse de Lamartine proclame la Deuxième République, entouré des révolutionnaires parisiens. Vers 20 heures, un gouvernement provisoire est mis en place avec un « chef de l’Etat » collectif : Jacques Charles Dupont de l’Eure, Alphonse de Lamartine, Adolphe Crémieux, François Arago, Alexandre Ledru-Rollin , Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Armand Marrast, Louis Blanc, Ferdinand Flocon, Alexandre Martin dit Albert. « Le gouvernement actuel de la France est le gouvernement républicain ! » proclame Lamartine devant le peuple de Paris rassemblé place de l’Hôtel de Ville. En défenseur de la République, Lamartine impose le drapeau tricolore face au drapeau rouge exigé par Blanqui : « Le drapeau rouge que vous nous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars traîné dans le sang du peuple en 91 et 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie ! »
La Deuxième République, proclamée solennellement le 4 mai, se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises.
Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, une nouvelle révolte d’ouvriers parisiens éclate, du 22 au 26 juin 1848, pour protester contre la fermeture des ateliers nationaux. Elle est réprimée dans le sang par le général Cavaignac. Karl Marx présente l’insurrection comme « l’événement le plus formidable dans l’histoire des guerres civiles en Europe ». Alexis de Tocqueville présente quant à lui les journées de juin comme « la plus grande et la plus singulière [insurrection] qui ait eu lieu dans notre histoire et peut-être dans aucune autre ». Le régime, ensuite, se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. En décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu au suffrage universel pour quatre ans. La Deuxième République dure jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852 à l’issue d’un coup d’Etat.
La Révolution de 1848 est une révolution qui met les écrivains au premier rang, mais qui les divise : Lamartine bien sûr, George Sand qui participe à l’effervescence politique. Tocqueville, Quinet, Lamennais et Hugo sont élus députés, mais pas Vigny. D’autres sont aussi présents, mais plus discrets : Baudelaire, fusil à la main le 24 février au carrefour de Buci, essaie d’entraîner quelques hommes dans une expédition punitive contre son beau-père honni, le général Aupick… Son bref élan révolutionnaire lui donnera le temps de créer un journal, le Salut public, qui aura deux numéros. Dumas est dans la rue, comme dix-huit ans auparavant. Ponson du Terrail est un garde national opposé aux révolutionnaires.
Flaubert débarque dans la capitale le 23 février et assiste, horrifié, à la mise à sac du palais des Tuileries. Il photographie en esprit des scènes qui feront l’arrière-plan de L’Éducation sentimentale
Quelques mois plus tard, la Révolution bourgeoise massacrera des milliers d’ouvriers qui se soulevaient lors des journées de juin, marquant la 2e République d’une trace sanglante et tragique.
Nous vous en parlerons au mois de juin.