Le canari dans la mine
Les républicains ont assez averti, l’ont assez répété… Lorsqu’on s’en prend aux Juifs, la barbarie et le chaos ne sont pas loin. Comme le canari dans la mine, qui le premier s’asphyxie et prévient ainsi de la diffusion de gaz toxiques, le Juif pointé du doigt, battu, torturé, assassiné dans la Cité, annonce le pire pour tous les citoyens.
Nous ne ferons pas ici la liste longue, alarmante qui, avant même Ilan Halimi en 2006 jusqu’à René Hadjadj en 2022, a vu se succéder meurtres d’enfants, torture et défenestration de vieillards, assassinats, agressions, insultes, vexations. Ce n’est pas être raciste que rappeler que la quasi-totalité de ces agressions émane de fanatiques islamistes, même si la bête immonde réveillée par les nazis rôde toujours au-dessus d’une extrême-droite qui dans ce domaine ne dira jamais son dernier mot. Ce n’est pas être pessimiste que constater qu’à chaque atrocité les Français sont de moins en moins nombreux à s’émouvoir et à protester, la justice de moins en moins prompte à reconnaître son caractère antisémite et les responsables politiques de plus en plus enclins à la cacher sous le tapis de leur électoralisme, voire à nier les faits.
Jusqu’au début de l’année 2022, ces événements terribles étaient perpétrés par les ennemis de la République, de la fraternité et de la laïcité. Depuis le début de cette année, on a vu émerger une complaisance atterrante de certains élus.
À Grenoble, il a fallu la réaction de citoyens et d’associations, dont Unité laïque, pour qu’une fresque représentant une femme vêtue d’un hijab, reprenant les rayures et les couleurs des hardes des déportés et frappée de l’étoile jaune soit recouverte. Mais qui l’avait autorisée ?
À Avignon, une peinture murale monumentale mobilisant les codes les plus repérables de l’antisémitisme a été dévoilée jeudi 23 juin. Elle a été réalisée sur un mur pignon à l’entrée nord de la ville par un graffeur anti-vaxx, complotiste, montrant patte blanche à tous les stigmates du genre.
Il est ahurissant que sur ce bâtiment appartenant à la Communauté d’agglomération du Grand Avignon une telle ignominie ait pu trouver sa place, alors que, pour que les autorisations soient délivrées, le projet a dû passer entre les mains d’une dizaine d’agents publics. Il est encore plus accablant d’apprendre que la maire socialiste de la Ville d’Avignon et que le président divers droite soutenu par le RN du Grand Avignon ont refusé l’effacement de la fresque au nom de la « liberté d’expression ». Il a fallu la fermeté d’un préfet républicain, précédée de l’action de jeunes militants antiracistes pour que cette icône antisémite soit recouverte de peinture.
Lorsque l’antisémitisme est endossé sans un battement de cils par un maire EELV, une maire socialiste, un président de communauté divers droite, cela n’a plus rien à voir avec la lutte sans merci que nous devons mener contre les ennemis de la République laïque et les antisémites pathologiques. Mais cela a beaucoup à voir avec un effondrement moral.
Entre ce mur-pignon au nord d’Avignon et le cimetière de Carpentras, il y a 29 km, 32 ans, 200 000 manifestants et un soutien présidentiel en moins ; trois enfants juifs exécutés à bout portant, trois vieux juifs torturés, brûlés, défenestrés et tant d’autres encore.
Les canaris meurent asphyxiés, allons-nous continuer à creuser jusqu’à l’explosion finale ou retrouverons-nous notre dignité ?