Prix de la laïcité pour Daniel Benichou, Président du Chevalier de la Barre
Daniel Benichou a reçu le 8 décembre 2022 le Prix de la Laïcité du Grand Chapitre Général, remis par son Très Sage et Parfait Grand Vénérable Philippe Guglielmi, en présence du Grand Maître du Grand Orient de France Georges Sérignac.
8 décembre 2022 Prix de la Laïcité du Grand Chapitre Général
Discours de Daniel Benichou président du Chevalier de la Barre
Discours de Daniel Benichou lors de la remise du Prix Laïcité du Grand Chapitre Général.
Monsieur Le Ministre, Grand Maitre, très sage et Grand Vénérable, mon cher Philippe, et vous tous chers amis.
Je tiens à vous faire part de toute mon émotion de recevoir ce prix de la laïcité remis par mes pairs….
Après des personnalités telles que Robert Badinter, Simone Veil, Jean Louis Debré, Marlène Schiappa ou Patrick Kessel, je n’ai pas l’outrecuidance de penser que c’est ma personne qu’on honore aujourd’hui car je me considère comme un militant de base, un ouvrier spécialisé de la laïcité.
Je pense que cet honneur revient d’avantage à l’association « Le Chevalier de La Barre » dont j’ai le bonheur d’assurer la présidence depuis plus de vingt ans maintenant. Notre association qui a pour mission, entre autres, de porter la mémoire de François-Jean Lefebvre, Chevalier de La Barre.
Ce jeune homme de dix-neuf ans fut effroyablement supplicié par l’Eglise. Que reprochait-on à ce jeune fêtard, sortant d’une taverne ? De ne pas saluer la procession religieuse lors de la Fête-Dieu ….
De plus, lorsqu’on découvre, après perquisition dans sa chambre, deux livres érotiques et le « Dictionnaire Philosophique » de Voltaire, le coupable idéal des nombreuses infractions anonymes à la religion constatées à Abbeville dans les semaines précédentes, était trouvé.
Malgré plusieurs recours, le chevalier est décapité le 1er juillet 1766 et son corps jeté aux flammes avec l’exemplaire saisi du « Dictionnaire Philosophique ».
Il fut le dernier martyre officiel en France, pour blasphème.
« L’histoire ne nous dit pas le sort réservé par l’église aux livres érotiques …. »
L’aventure de créer cette association a débuté ici-même, au 4ème étage, dans la salle du Conseil de l’Ordre par la volonté du Grand Trésorier de l’époque, Christian BOULMIER auquel je rends hommage, qui se désolait de voir le socle vide de la Statue du Chevalier de La Barre au pied du Sacré Cœur.
La première statue réalisée par le sculpteur Armand Bloch, fut érigée devant l’église du Sacré Cœur à Paris, le 3 septembre 1905, à la suite d’une souscription populaire annonciatrice de la future loi de séparation des églises et de l’état.
Elle représentait le Chevalier de la Barre en martyr, enchaîné et supplicié.
Vide depuis 1941, par l’expression de la mansuétude du Gouvernement de Vichy pour aider un pays en voie de développement, «l’Allemagne Nazie » dans son effort de guerre. La statue fut déboulonnée pour en faire des canons
Christian Boulmier convainquit les 33 membres du Conseil de l’Ordre, dont je faisais partie, de créer cette association. La première carte de membre fut attribuée au Grand Maître de l’époque, dont certains se souviennent encore, j’ai nommé Philippe Guglielmi.
L’association créée, la présidence fut confiée à son épouse, Anne Boulmier. Je fus élu à la vice-présidence dès l’origine de l’association et à la présidence depuis 2002. Je salue admirativement l’implication constante d’Anne Boulmier du haut de ses 86 ans. Elle a su, avec toute l’énergie que nous lui connaissons, surmonter toutes les difficultés afin d’aboutir aux buts ambitieux de notre association.
Depuis la libération, de multiples tentatives auprès des instances publiques pour ériger une nouvelle statue avaient échoué. Notre décision fut, à l’instar de nos prédécesseurs, de lancer une souscription afin de financer cette nouvelle statue. Soutenue par Charlie hebdo, que je remercie encore aujourd’hui, notre association reçut la contribution de milliers de donateurs et celle, très importante, du Grand Orient de France pour atteindre son objectif.
Une nouvelle statue du Chevalier de la Barre, œuvre du sculpteur Emmanuel Ball, fit son retour dans le square Nadar. Son inauguration eu lieu le 24 février 2001. Cette statue montre François-Jean Lefebvre, chevalier de la Barre souriant, les mains dans les poches et coiffé d’un chapeau, comme un défi permanent à cette procession religieuse qu’il n’a pas salué à Abbeville en 1765. Nous sommes fiers de lui avoir redonné vie, sous une forme plus dynamique et irrévérencieuse que l’œuvre d’origine.
Elle faisait plus penser à un « Saint-Jean-Baptiste souffrant » qu’à un disciple de Diderot, de d’Alembert, Condorcet et, bien sûr de Voltaire. Nous sommes stupéfaits d’apprendre que La Libre Pensée a, récemment, pris l’initiative de lancer une souscription nationale ayant pour but de faire déboulonner notre statue… l’histoire se répète… Afin d’en ériger une autre qui serait un plagiat de l’œuvre de Armand Bloch de 1905 montrant le Chevalier de La Barre supplicié par l’église.
Un certain anticléricalisme étant leur combat essentiel, oubliant au passage que d’autres dogmes religieux peuvent conduire à des actes encore plus barbares. Je me rappelle, lors de la loi pour interdire les signes religieux à l’école, la déclaration de leur président Marc Blondel, comparant le port du voile islamique à un acte aussi révolutionnaire que celui des femmes portant les mini jupes dans les années 60.
Je ne pense pas que les femmes afghanes et iraniennes qui mènent un combat au risque de leur vie contre ce fameux voile sont du même avis que la Libre Pensée. Je profite de cette occasion pour exprimer toute mon admiration et mon soutien aux femmes et aux hommes d’Iran qui se battent sans faiblir depuis des semaines pour sortir de cette théocratie oppressive.
Un moment de notre histoire où une religion, interprétée par les pires intégristes comme une arme de guerre contre la République laïque, tue des centaines de nos concitoyens, en blesse des milliers. Souvenons-nous que nous avons commémoré, il y a à peine deux mois, le terrible assassinat de Samuel Paty, accusé lui aussi de blasphème par un nouveau tribunal de l’Inquisition, les réseaux sociaux.
L’association « Le Chevalier de La Barre » agit depuis 25 ans pour promouvoir la laïcité sur le plan culturel. Cette laïcité constitutionnelle de notre république sociale qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans restriction d’origine, de race ou de religion.
Le véritable vivre ensemble, c’est la fraternité républicaine. Laïcité à laquelle nous rajoutons UN qualificatif… Une Laïcité festive
C’est pour cela que depuis vingt ans nous organisons au pied de la Statue de notre Chevalier, la fête de la Laïcité, qui réunit autour du Grand Orient de France un grand nombre d’Obédiences Maçonniques et d’associations laïques.
Sous notre label « Le Laïcité Social Club », nous organisons régulièrement des « Cafés Laïques » avec d’autres associations et plus particulièrement « Unité Laïque » dont je salue la présence de son Président Jean Pierre Sakoun. Nous produisons aussi des pièces de Théâtre, telles que « Le Destin du Chevalier » et « La République », écrites et mises en scène par un membre actif de notre association, j’ai nommé Jean Piriou. Nous avons eu le plaisir de les présenter ici même dans ce fameux grand Temple.
Philippe Guglielmi dit partout que je suis très bavard… Je vais donc arrêter mon propos pour ne pas trop lui donner raison, en vous exprimant à nouveau toute l’émotion qui est la mienne et vous remerciant à nouveau.
Vive la république – Vive la laïcité