Inauguration de l’Espace Samuel Paty à Valence

Nicolas Daragon, Maire de Valence, a rendu hommage au professeur Samuel Paty, assassiné par un intégriste islamiste le 16 octobre 2020, avec un discours engagé prononcé lors de l’inauguration de l’Espace Samuel Paty à Valence.

Ce nouvel Espace Samuel Paty, inauguré le 27 septembre 2024 par le Maire de Valence Nicolas Daragon, regroupe des services destinés à la jeunesse : une ludothèque, le centre médico-scolaire et le Centre d’Information et d’Orientation.

Parmi les nombreuses personnes qui ont assistées à cette inauguration, étaient présentes le secrétaire général de la Préfecture de la Drôme, Cyril Moreau, le directeur académique des services de l’Éducation nationale, Pascal Clément, le directeur de la Caisse d’Allocations familiales de la Drôme et les Président et Secrétaire générale d’Unité Laïque, Jean-Pierre Sakoun et Aline Girard.

Extrait du discours de Nicolas Daragon, Maire de Valence, Président de Valence Romans Agglo
à l’occasion de l’inauguration de l’Espace Samuel Paty, 3 place Alain Fournier, le vendredi 27 septembre 2024 à 11h00.

Monsieur le Secrétaire général de la préfecture de la Drôme,
Monsieur le 1er Vice-président du Conseil départemental de la Drôme,
Monsieur le Président de la Caisse d’allocations familiales de la Drôme,
Monsieur le Directeur académique de services de l’Education nationale,   
Mesdames et Messieurs les membres de la ludothèque le Colimaçon,
Mesdames et Messieurs les élus,  
Chers Jean-Pierre Sakoun et Aline Girard d’Unité laïque,
Mesdames, Messieurs, Chers amis

Le Polygone est depuis plusieurs année un quartier en pleine mutation. Un secteur stratégique pour lequel nous avons engagé un plan de mandat ambitieux afin de le repositionner au cœur des flux, en l’ouvrant davantage sur son environnement, en diversifiant l’habitat, en offrant des logements mieux adaptés à la population et en requalifiant les espaces publics de manière à favoriser la mixité et à concentrer les activités commerciales. […]

En juin dernier, nous étions censés inaugurer ce nouvel espace Samuel Paty, déjà en service depuis le milieu du printemps mais en raison des élections législatives anticipées, il nous fallut reporter son inauguration. Nous y sommes ! […] Ce nouvel espace a été pensé pour constituer, sur le quartier du Polygone, mais à destination de l’ensemble des Valentinois, un pôle regroupant des services contribuant à la réussite éducative des enfants, des jeunes et de leur famille : santé, orientation et offre ludique. […]

Il y a bientôt 4 ans, le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur, était décapité.

Il a été assassiné pour avoir exercé son métier, celui de permettre à chacun de s’approprier les savoirs civilisés par l’humaine encyclopédie, de construire son libre examen, en considérant la liberté des autres comme préalable indépassable à qui souhaite vivre en paix au sein de toute société.

Samuel Paty était mu par l’envie d’être un bon professeur. Il souhaitait éveiller le sens critique et la tolérance chez ses élèves, leur rappeler que la laïcité n’a jamais été une religion.

A l’inverse, la religion est un espace neutre où on laisse ses croyances personnelles au fond de son cœur, au seuil du giron familial, sur le perron de l’école.

Et si ce 16 octobre son assassin était seul à la porte de l’établissement, il n’était pas seul pour autant. Une lâche et abominable campagne, aux allures de cabale savamment orchestrée, avait précédé cet assassinat et l’avait rendu possible.

Ainsi, poursuivi par la meute enragée des réseaux sociaux, d’élèves tricheurs et de parents dont la tête s’était mise brusquement à bourdonner, Samuel Paty a été accusé sans qu’il ait pu savoir, au fond, réellement de quoi.

D’avoir dispensé un cours sur la liberté d’expression ?

D’avoir, comme on le lui reprochera immédiatement, commis une « erreur » ?

D’avoir « offensé » ses élèves ?

Comment se justifier quand déjà on fait de vous un coupable, et que votre nom se mêle à la fange de la rumeur et de la calomnie ?

Comment se justifier quand déjà l’accusation se transforme en verdict ?

Comment se justifier quand partout se dresse autour de vous l’unanimité accusatrice et que la mort plane déjà sur vos épaules ?

Samuel Paty ne le saura jamais. Le 16 octobre 2020, pour lui la sentence est tombée, sans sommation, sans discussion possible, tel un sanglant avertissement fait à tous les professeurs d’enseigner et de vivre désormais sous le régime de la soumission et de la crainte.

Car, après s’être attaqué aux concerts, aux terrasses des cafés, aux journalistes, aux policiers, aux militaires, à des familles, à des enfants, à cette liste d’innocents bien trop longue, cet assassinat est venu nous redire combien la guerre menée contre la République par le terrorisme islamiste contamine le corps social et menace de le submerger. Devant nos yeux les digues menacent de céder.

Nous le savons, la terreur ne s’arrêtera pas et la transmission de notre culture française sera de plus en plus contestée, et donc de plus en plus difficile à offrir en modèle de civilisation pondérée si nous ne cessons pas de regarder ailleurs, si nous ne cessons pas de courber l’échine devant la violence.

Aussi, afin de rendre hommage à Samuel Paty, il nous faut plus que jamais nous montrer aussi digne que lui, tenter de lui ressembler un peu et faire preuve de courage en réinstaurer l’école dans sa mission de transmission des savoirs, de faire en sorte que les élèves reprennent conscience qu’ils forment une nation et protéger ceux qui leurs enseignent la plus belle façon de la construire.

La Ville de Valence mesure ce que nous devons à ce serviteur de l’État qui a refusé de voir le pays de la laïcité, de l’égalité et de la liberté, devenir celui du diktat de l’Islam politique.

Cet amour de la transmission et surtout ce courage lui ont coûté la vie.

Aussi, en sa mémoire et afin d’humblement participer à ce que le séparatisme cesse de déchirer notre pays, notre Ville a décidé de donner le nom de Samuel Paty, à ce nouvel espace.

Le souvenir de ce professeur d’Histoire-Géographie trouvera parfaitement à s’incarner à travers ce lieu dédié aux familles et à la réussite éducative et permettra à chacun d’entre nous de se rappeler le sacrifice ultime qu’a dû concéder ce père de famille, afin que notre pays puisse continuer à penser, à s’exprimer et à vivre librement.

Aussi, bien humblement, en choisissant de donner à ce lieu, avec l’accord bienveillant de sa famille, nous souhaitons honorer la mémoire de ce courageux enseignant, et par-dessus nous souvenir aussi que Samuel Paty fut le premier professeur assassiné, mais hélais non le seul, car il nous faut désormais lui associer le nom de Dominique Bernard, lui aussi sauvagement tué, le 31 octobre 2023, pour ce qu’il était : un professeur de français qui portait haut le goût affirmé de l’esprit critique et de la liberté d’expression.   

Honte et déshonneur de s’en prendre lâchement à ces hommes sans défense face à l’inéluctabilité de la mort, alors qu’ils n’avaient que pour seules armes la connaissance et l’esprit.

Honte et déshonneur de perpétrer de tels actes odieux en prétendant vouloir enrôler dans leur barbarie tous ceux qui font de leur vie une croyance.

Honte et déshonneur à employer toute sa haine face à des professeurs dans la noblesse de leur mission : celle d’éveiller notre jeunesse à la compréhension du monde et l’ouverture à l’Autre.

Mais honneur à ces hommes libres, honneur en effet à nos enseignants, qui ont la fierté d’exercer le plus beau métier du monde chevillé au corps.

Ôter la vie d’un enseignant, c’est s’attaquer à chacun des fondements qui scellent notre destin collectif, parce qu’ils nous réunissent autour des valeurs que nous avons en partage dans notre démocratie :

  • la laïcité,
  • la liberté de conscience et d’expression,
  • le respect mutuel,
  • l’égalité et la fraternité entre tous, et tout ce que la raison nous enseigne.

Aussi, plus que jamais, gardons profondément ancrés en nous ces ressorts immémoriaux, pour en faire la plus belle de nos convictions, la plus grande de nos espérances : celle de ne jamais se résigner au lâche abandon de nos idéaux républicains et de nos valeurs universalistes, filles des Lumières, au cœur d’une Nation dont la plus haute des vocations est d’offrir un modèle de « civilisation pondérée ».

Notre modèle. La France. Celle que nous aimons. Sous la bannière de sa devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité.

Car si seul était Samuel Paty au seuil de sa vie, à jamais notre mémoire et notre honneur se doivent de faire en sorte qu’il ne soit pas mort pour rien, et que nous tous, à jamais, collectivement nous nous en souvenions.

Je vous remercie.

Nicolas DARAGON