Éloge du blasphème
Caroline Fourest, Eloge du blasphème, Grasset, 188 p, 17 €
Ce livre, écrit en réaction aux tueries de janvier 2015, part d’un constat. Pour certains esprits égarés en effet, l’attentat « n’est pas un crime intégriste mais un complot contre les musulmans. Les terroristes sont victimes. Et les morts sont coupables ». Parfois aussi, certains « renvoient dos à dos un massacre et un blasphème ». Et ils « nous expliquent que le meilleur remède au fanatisme serait de revenir au tabou et au sacré ». Spécialiste de l’extrême droite et des intégrismes, Caroline Fourest livre ici un document fidèle à sa ligne : courageux et argumenté. Elle dresse la liste de ceux qui, sans avoir tenu les armes des tueurs, ont mis une cible sur les victimes, parfois depuis des années. Dans le viseur du stylo de l’essayiste, des personnages comme Rockhaya Diallo, dont elle souligne l’inquiétant profil. Elle s’était déjà illustrée en 2011 après la dévastation des locaux de l’hebdomadaire en lançant une pétition « contre le soutien à Charlie Hebdo » avec une série de signataires qui n’ont sans doute pas été attristés par les 17 morts de janvier. En analyste implacable des fondamentalismes de tout poil, l’auteur détaille les connexions qui se sont solidifiées au moment de la Manif pour tous, expliquant comment une Frigide Barjot fut l’invitée de l’UOIF à son Rassemblement annuel du Bourget tandis que l’organisation islamique appelait ses membres à participer aux manifestations contre le Mariage pour tous.
Mais au-delà des milieux intégristes, Caroline Fourest pointe aussi la responsabilité de certains courants de gauche. Pour ceux-là, « le danger prioritaire n’est pas le terrorisme. Ni le fait que des centaines de Français partent faire le Djihad en Syrie, ni que des élèves disent comprendre les terroristes et refusent la minute de silence consacrée aux victimes des attentats. Non, le danger, à leurs yeux, c’est de s’en inquiéter ». En observatrice des connexions douteuses, l’auteur recense les liens de ceux qui, souvent dans l’ultra-gauche mais pas seulement, défendent cette ligne et qui, souvent, mettent le terme « islamophobie » à toutes les sauces. Leur but : « faire croire que résister au fanatisme relève du racisme ». Elle décrypte notamment les actions du sulfureux Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui a réussi à s’introduire dans des milieux qu’on aurait pu imaginer moins naïfs. Mais après cet inventaire fort utile, Caroline Fourest en appelle au sursaut face à ceux qui veulent replonger le monde dans l’obscurantisme : « Ceux qui pensent que la lâcheté permet d’éviter la guerre se trompent. La guerre a déjà commencé ».