Voiler les filles, interdire le savoir. À Kaboul comme ailleurs, rien n’est jamais acquis aux femmes.

Le 29 mars 1882, était promulguée en France la loi sur l’enseignement primaire obligatoire de six à treize ans pour les garçons et pour les filles.

Depuis 1880 déjà, Camille Sée avait créé les collèges, les lycées, les écoles normales féminins. Les ENS allaient suivre. Quatre ans plus tard, la loi Goblet du 30 octobre 1886 imposait la neutralité des enseignants en excluant le personnel religieux de l’enseignement public.

C’est grâce à ces fondations que la laïcité et la liberté de conscience purent faire leur chemin dans les esprits de tous les Français et que la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 put être votée avec le soutien massif des citoyens. En 2004, cette neutralité et le principe de liberté de conscience furent renforcés grâce à la loi interdisant le port des signes religieux dans l’enceinte scolaire.

Le 23 mars 2022, cent quarante ans plus tard, presque jour pour jour, les fanatiques et intégristes islamistes qui gouvernent l’Afghanistan ont annoncé, le jour de la rentrée scolaire, que les jeunes filles afghanes, déjà enfouies dans le linceul mobile que leur imposent les talibans, se verront désormais interdire toute scolarité au-delà de l’âge de douze ans.

La coïncidence de ces dates fait apparaître avec une grande violence que les premières victimes du fanatisme, de l’intégrisme et de l’extrémisme religieux sont toujours les filles et les femmes. C’est en cela que le féminisme et la laïcité sont des alliés inséparables pour promouvoir l’émancipation de cette moitié de l’humanité que l’obscurantisme met sous le joug. Comme le disait encore récemment Elisabeth Badinter, « il n’y a pas de féminisme sans laïcité ». Elle nous rappelait aussi que « toutes les conquêtes féministes se sont faites contre l’emprise des religions sur les sociétés ».

Bossuet écrivait que « Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit ». C’est cette citation que l’on devrait opposer au Conseil de l’Europe ou à la Commission des Droits de l’homme de l’ONU lorsque ces organes censés défendre l’émancipation et les droits des plus opprimés, en particulier des femmes, se lamentent devant l’oppression de celles-ci tout en promouvant par des campagnes menées en collaboration avec des officines islamistes le port du voile qui « rend libre ».

Il est temps que les instances internationales et européennes aient le courage de défendre les femmes contre les intégrismes et de dire, avec Elisabeth Badinter, que toutes les jeunes filles « ont le droit de ne pas être vierges, que leur corps est à elles, qu’il n’appartient ni au père, ni au mari, ni à personne ».

« C’est cet enseignement de la maîtrise de soi et de la liberté, que l’on acquiert à l’école laïque, qui est exactement la caractéristique d’une démocratie avancée ». Et non la tolérance pour la forme la plus aboutie d’enfermement des femmes et la plus visible de leur infériorité, le voilement des fillettes et des jeunes filles, jetées hors du savoir.

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