Prendre parti oui, mais pour la République laïque

Premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022

Les campagnes électorales présidentielle et législatives, en cours et à venir, incitent des associations, des partis et des organisations de citoyens dont l’objet est la promotion et la défense des idéaux laïques et républicains à se prononcer pour l’un ou l’autre des candidats en lice.

Unité laïque n’empruntera pas cette voie. Nous considérons en effet que la République et la laïcité sont les fondements du système démocratique original qu’a bâti le peuple français depuis 1789 et qu’elles doivent être le fil rouge que suivent tous les véritables démocrates, de la gauche à la droite.

Tous les candidats, tous les partis, surtout après la seconde Guerre mondiale et la délégitimation des positions de l’extrême-droite maurassienne, se sont rangés derrière cette bannière de « la République indivisible, laïque, démocratique et sociale » qui flotte au vent de l’article 1er des constitutions de la Quatrième et de la Cinquième Républiques, plantée dans le socle du programme du Conseil national de la Résistance. Soixante-dix-sept ans après cet épisode fondateur des « jours heureux » que la France a vécus et pour lesquels elle a été tellement enviée dans le monde entier, les choses ont évidemment bien changé.

Nous ne reviendrons pas sur les causes de ces changements, dont l’inventaire et la description demanderaient de longues analyses. Constatons simplement que sous la pression des événements et des idéologies, l’adhésion des responsables politiques à ces principes s’est sensiblement affaiblie – bien plus que celle du peuple lui-même qui reste profondément laïque et républicain. Désormais la fracture entre républicains laïques et universalistes d’une part, démocrates plus ou moins acquis à une vision cléricale et communautariste de la société, d’autre part, passe à l’intérieur de chaque organisation politique.

Ne manquons pas en outre d’évoquer le retour tonitruant du maurrassisme et de sa vision ethno-religieuse de la France qui, surprenant paradoxe, ose se cacher sous le masque de la République laïque, qu’il contribue ainsi à déconsidérer. Si Unité Laïque ne donne pas de consigne de vote, en revanche, pour nous aucune voix ne doit aller aux représentants de ces derniers mouvements et partis identitaires ou racialistes, ce qui au fond, revient au même. 

La phrase initiale de l’article 1er de notre Constitution, fondatrice de son esprit et de sa lettre, renvoie, comme d’ailleurs tout le processus historique de construction de la République laïque et universaliste, a une vision de la société fondée sur la liberté ET sur l’égalité. Ce dernier principe n’est pas opposé à celui de liberté, qui est l’idéal recherché, mais il en est au contraire, selon la philosophie républicaine, le moteur puisque l’égalité garantit l’émancipation de tous et donc la liberté de chacun. On peut sans trahir l’histoire politique de notre pays affirmer que c’est bien sur la base d’une liberté assurée par l’égalité que s’est construite la République indivisible, laïque, démocratique et sociale. On peut aussi constater que, dès l’entre-deux guerres, la droite française a adopté ces principes et ces idéaux en les adaptant à sa vision de la société. C’est pourquoi il existe aujourd’hui, à gauche, au centre ou à droite, des républicains sincères, qui ne confondent pas pour les uns la liberté avec le droit d’assouvir toutes ses pulsions, pour les autres l’égalité avec l’égalitarisme.

Remarquons cependant que les principes qui ont présidé à l’établissement d’une société républicaines d’égalité, de liberté, de solidarité et d’universalisme ne sont plus portés – ou presque – par les partis qui en furent les instigateurs et les premiers hérauts, ceux de la gauche démocratique.

Résumons ces principes qui déterminent l’idéal français de la société républicaine :

  • La Nation comme véhicule d’un peuple uni par le projet politique de sa souveraineté et non par une essence ethnique, communautariste ou religieuse ;
  • La prééminence du politique sur l’économie ;
  • La reconnaissance des classes sociales comme moteurs du progrès à condition qu’elles soient unies par les idéaux républicains, au-delà de la différence de leurs intérêts ;
  • Enfin, et nous l’avons déjà dit mais il est nécessaire de la répéter, l’universalisme et la laïcité, l’incitation à l’indifférenciation plutôt qu’à la différence.

Ces fondements, pendant des décennies, ont été communs à tous les partis de gauche, et à la droite sociale et patriote qu’a pu représenter le gaullisme.

La gauche démocratique, parce qu’elle s’est fracturée sur la question laïque et républicaine en se laissant emporter par l’idéologie communautariste et en renonçant à sa propre histoire, est aujourd’hui doublement dans l’impasse. Une impasse interne à chaque parti puisque ce renoncement a clairement conduit à les priver du soutien populaire, une impasse globale puisque ce renoncement a rendu impossible une union des gauches. Seuls désormais subsistent les désaccords que le ciment laïque et républicain ne permet plus de réunir.

Cette régression idéologique de la gauche sous la pression du néolibéralisme, du conservatisme, du retour du religieux et de l’égoïsme rebaptisé individualisme, a vu parallèlement beaucoup de représentants du centre et de la droite se détacher de leur ancrage républicain, le nouveau paradigme idéologique constitué à partir des années 80 leur ayant fourni une proposition alternative d’organisation de la société.  

C’est pourquoi les notions-mêmes de droite et de gauche se sont brouillées depuis une dizaine d’année, au point justement que les clivages majeurs du paysage politique sont désormais fondés sur l’appartenance ou pas au bloc laïque et républicain.

Aussi nous pensons aujourd’hui que ce n’est pas en invitant les Français à voter pour tel ou tel candidat, en espérant pouvoir infléchir sa politique, que nous serons utiles. C’est plutôt en favorisant la fertilisation de ce terreau commun à tous les citoyens et en leur demandant en leur âme et conscience d’évaluer, à l’aide de tous les outils que nous nous attachons à façonner et à leur fournir par nos publications, nos textes, nos articles, la qualité de l’offre laïque et républicaine de chaque prétendant à la magistrature suprême ou à la députation.

Certains aujourd’hui affichent clairement leur volonté d’un retour aux idéaux, principes,  valeurs et moyens de la République laïque. D’autres continuent à s’en éloigner de plus en plus ouvertement, par choix idéologique, par opportunisme, par clientélisme. D’autres enfin tentent de ménager la chèvre et le chou et de pratiquer le dévastateur « oui mais » dont on sait qu’il mène à tous les abandons, à tous les renoncements. Nous disons à ceux qui nous font confiance de choisir, en leur for intérieur et dans l’isoloir, celui ou celle qui illustre le mieux nos principes communs.

Mais nous leur disons aussi que le combat pour l’idéal de la République laïque qui réunit neuf Français sur dix, ne pourra être gagné que s’ils décident de s’engager eux-mêmes dans cette lutte cruciale pour l’avenir de notre pays.

L’objectif d’Unité Laïque est de concourir à la création de ce grand mouvement laïque et républicain populaire. C’est la réunion de millions d’entre nous, justement hors des débats partisans, qui nous permettra de faire entendre la voix du peuple français à tous les responsables politiques, de soutenir ceux qui sont convaincus, de convaincre ceux qui ne le sont pas encore, de dénoncer ceux qui voudront en être les adversaires.

C’est cela qui nous permettra de leur rappeler, comme disait Paul Ricoeur, que chaque peuple a droit à la continuité de son histoire et que la voie française vers l’émancipation a pour nom « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », appuyée sur les Droits de l’Homme et du Citoyen.

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