Les femmes, leur corps, la religion.
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, 1949
Le vendredi 24 juin 2022 restera une date frappée d’infamie dans l’histoire de l’émancipation, de la liberté des femmes et de l’égalité. Ce jour-là après quarante-neuf ans de péripéties chaotiques, la Cour suprême des États-Unis, désormais dominée par les pires conservateurs de l’histoire de ce pays, a trouvé les arguties juridiques lui permettant de mettre fin au droit fédéral à l’interruption volontaire de grossesse. Plusieurs états ont, le jour même, interdit radicalement le recours à l’avortement, menaçant même de poursuites et de longues peines de prison les femmes qui auraient le projet d’aller pratiquer une IVG dans un autre état moins obscurantiste.
Ainsi donc la droite bigote, réactionnaire, revancharde, haineuse qui pourrit la politique américaine depuis que les « Tea party » ont infiltré le parti républicain, a trouvé son Graal, atteint son Xanadu, en soumettant de nouveau les femmes à la loi la plus rétrograde, qui n’a rien à envier à celles édictées par les Talibans.
Comme le disait encore récemment Elisabeth Badinter dans une émission de télévision, face à des jeunes filles voilées exhibant leur foi comme un drapeau, « Souvenez-vous que toutes les libertés des femmes ont été conquises contre les religions ». Nous pourrions ajouter que, de l’Afghanistan à Washington et à Grenoble, toutes les libertés des femmes se perdent face à l’irruption des religions dans la vie de la Cité.
Les États-Unis sont une société religieuse, conservatrice et bigote dans laquelle la séparation protège l’Église du contrôle de l’État, et pas l’inverse. Notre laïcité profondément libérale, profondément progressiste, protège les citoyens et les citoyennes contre les sectes et les cléricatures de toutes leurs tentatives de revenir sur des droits chèrement conquis. La religion n’est pas l’ennemie de la République laïque qui ne veut pas en entendre parler et la renvoie à l’association libre entre citoyens et à la vie privée. En revanche, la République a un ennemi, le cléricalisme, selon la formule célèbre de Léon Gambetta. Le cléricalisme, cette la tentative des religions constituées en corps politique de peser de tous leurs dogmes sur la liberté et l’émancipation des êtres humains.
Quelle plus éclatante démonstration de la puissance de la laïcité pour nous défendre contre la servitude de la « servante écarlate » ?
Ajoutons que c’est sans surprise que nous constatons l’assourdissant silence de toutes ces néo-féministes en carton-pâte, indigénistes et communautaristes, qui ne rêvent que d’importer le modèle de société américaine en France et qui ne trouvent pas un mot pour défendre les femmes américaines, pas plus qu’elles n’en trouvent pour défendre les femmes afghanes mais qui passent leur temps à critiquer la République laïque…