L’indispensable lutte contre la ségrégation scolaire
« Le premier devoir d’une République est de faire des républicains ; pour faire un républicain, il faut prendre l’être humain si petit et si humble qu’il soit (un enfant, un adolescent, l’homme le plus inculte, le travailleur le plus accablé par l’excès de travail) et lui donner l’idée qu’il peut penser par lui-même, qu’il ne doit ni foi ni obéissance à personne, que c’est à lui de chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite d’un maître, d’un directeur, d’un chef quel qu’il soit, temporel ou spirituel. »
C’est par ces mots que Ferdinand Buisson entendait donner une définition substantielle de la République et des missions qui lui reviennent. Dans ce cadre, l’école publique est amenée à jouer un rôle central pour apprendre à nos enfants, indépendamment de leurs origines, à s’émanciper et à devenir des citoyens, dotés de raison et d’esprit critique.
Hélas, l’école de la République est de moins en moins efficiente en la matière. La faute en revient notamment à l’essor de l’enseignement de privé, lequel concurrence l’enseignement public en captant les meilleurs élèves, alors même qu’il demeure financé à 73 % par la puissance publique. Pour la mixité sociale et scolaire, le tribut est lourd à payer.
Si ce phénomène n’est pas nouveau, conséquence de la loi Debré qui a contraint la Nation à organiser une concurrence déloyale contre sa propre école, celui-ci a toujours été rendu opaque par des personnes qui avaient intérêt à poursuivre l’écriture de la fable selon laquelle notre système éducatif demeure parfaitement égalitaire. Et comme les conséquences d’une illusion ne sont pas illusoires, certains se sont réfugiés dans le confort de récits individuels pour mieux se détourner du mouvement de fond qui se jouait au profit des établissements scolaires privés.
Tout a changé au cours de l’année 2022. En effet, depuis la publication des Indices de position sociale (IPS), nous savons de manière objective que les collèges et les lycées privés concentrent en leur sein une part importante des élèves les plus favorisés, confirmant ainsi qu’une ségrégation scolaire est à l’œuvre dans notre pays.
Les données dont nous disposons sont d’autant plus préoccupantes que notre système éducatif est l’un de ceux, parmi les pays de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où la réussite scolaire d’un enfant dépend le plus de son origine sociale.
Ce fait est inacceptable pour tous les défenseurs de la République laïque et sociale, attachés au respect de l’égalité des droits et à l’émancipation du plus grand nombre.
C’est pourquoi nous soutenons sans réserve la proposition de loi déposée récemment par Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine et membre d’Unité Laïque. Dans ce texte, il est proposé d’assigner des objectifs de mixité sociale et scolaire aux établissements privés sous contrat, lesquels, faute de s’y résoudre, pourraient voir leurs subventions réduites.
L’adoption de cette proposition de loi constituerait une première étape indispensable dans le redressement de notre école publique, pilier essentiel de notre République laïque et sociale.