La République folle de la messe

« Suite à la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le gouvernement n’assistera pas au Te Deum donné à Notre Dame. Mmes Poincaré (femme du président de la République) et Deschanel (femme du président de la chambre des députés) n’étant pas membres du gouvernement pourront par contre y assister. »

17 novembre 1918
Georges Clemenceau, communiqué officiel en réponse à l’invitation du cardinal-archevêque de Paris, Mgr Amette, à assister au Te Deum donné à l’occasion de la Victoire du 11 novembre 1918.

Les 7 et 8 décembre 2024, le président de la République a une fois de plus joué avec la laïcité comme un enfant aux gestes brusques manipulerait un inestimable trésor.

Le samedi 7 décembre, il a pris prétexte du mauvais temps pour se précipiter dans la cathédrale Notre-Dame et y tenir un discours présidentiel. Quelques jours plus tôt, devant les vives protestations suscitées par ce projet, il avait fait mine de reculer face à cette atteinte manifeste à l’article 35-1 de la loi de 1905 qui stipule « [qu’] est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte ».

Mais comme un mauvais sujet entêté, il n’y avait en aucun cas renoncé. Il ne fallait pas être grand clerc (c’est le cas de le dire) pour imaginer qu’il pût pleuvoir et faire froid un 8 décembre sur une esplanade en plein vent. Il suffisait pour pallier ces désagréments, d’une tente de cérémonie. Mais la tentation de la transgression et de la toute-puissance, l’hubris du personnage, tout le poussait à trôner dans la cathédrale, pour assouvir ainsi son bon plaisir, quitte à désorienter les Français, à bafouer la loi, à jeter une fois de plus la confusion sur le principe de laïcité qui nous gouverne.

Non content de ce triste exploit, le président de la République plastronnait au premier rang, dès le lendemain, à la messe de réouverture de Notre-Dame, non en tant que personne privée, mais bien en tant que président de la République, continuant à se moquer des Français en faisant préciser qu’il ne communierait pas… Il n’aurait plus manqué que cela…

M. Macron a bien appris la leçon de ses prédécesseurs, celui qui trouvait que, « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra[it] jamais remplacer le curé ou le pasteur » ou le suivant qui, renversant la loi de Séparation avait un jour affirmé dans un discours que « la République reconnaît tous les cultes »…

Comme eux, il démontre que le clientélisme vaudra toujours mieux pour un politicien que le bien public. Plus qu’aucun d’eux cependant, en ces temps de lutte contre l’intégrisme et le fanatisme religieux, il continue à jeter le trouble parmi les citoyens français, à les diviser et à n’être à chaque moment et à tour de rôle que le président de certains, jamais le président de tous.

On se souviendra que ces agissements se sont produits à la veille de la journée de la laïcité, qui commémore la promulgation de la loi de Séparation des Églises et de l’État…

Ce 9 décembre, des milliers de citoyens laïques engagés se réunissaient dans des écoles, des collèges, des lycées, des mairies, des lieux associatifs, pour faire valoir auprès des jeunes Français la noblesse et la beauté de ce principe que le président piétinait la veille…

Il existe désormais, depuis que les laïques ont repris le chemin du combat émancipateur devant le danger clérical que M. Macron personnifie, un vaste corpus de textes et de médias en ligne qui permettent de comprendre la profondeur et la valeur sociale indépassable de la laïcité en actes.

Il existe des formateurs patentés au sein du ministère de l’Education nationale comme dans le cadre des formations citoyennes aux « Valeurs de la République et de la Laïcité ».

Il serait peut-être temps que le président de la République et son cabinet suivent ces ateliers. Ils ont tant à apprendre… Sauf à imaginer que M. Macron foule volontairement aux pieds le principe fondateur de notre société. Mais nous ne pouvons le croire.

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