Boualem Sansal 34 jours en prison en Algérie

Boualem Sansal, notre honneur, leur déshonneur

Notre compatriote Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis le 16 novembre pour « atteinte à l’intégrité du territoire » est passible de la prison à perpétuité. Âgé de 75 ans et de santé fragile, il vient d’être à nouveau admis au pavillon pénitentiaire de l’hôpital d’Alger.

Arrêté dès sa descente d’avion en provenance de la France, il reste depuis détenu au secret. Son avocat français, Maître Zimeray, n’a pu obtenir de visa pour l’assister lors de sa demande de remise en liberté le 11 décembre dernier, en contradiction flagrante avec l’article 16 du décret n°62-1020 du 29 août 1962 . La mobilisation de son éditeur, Gallimard, de ses nombreux amis écrivains, artistes, membres de la société civile, s’est heurtée à l’intransigeance du gouvernement algérien, trop content de tenir la dragée haute à la France et de donner ainsi des gages de fermeté face à l’ancienne puissance coloniale. Les dictateurs qui tiennent ce pays sous le joug espèrent ainsi faire oublier leur incapacité à offrir à la population et à la jeunesse algérienne des perspectives d’avenir meilleur. Boualem Sansal n’a pas de sang sur les mains, il n’a commis d’autre délit que de « toucher à l’intouchable » : la lecture officielle de l’histoire de l’Algérie.

Ce qu’il faut bien appeler désormais l’affaire Sansal polarise la société française en deux camps irréconciliables et met à jour une fracture interne béante comme l’affaire Dreyfus en son temps.

Nous passerons rapidement sur les couards (consultants, gens des médias, politiques, universitaires, quelle tristesse !) qui, ayant partie liée avec le régime d’Alger, s’en font le relais en France et répètent ad nauseam que Boualem Sansal aurait critiqué l’islam, dénigré le gouvernement algérien et « offensé le sentiment national ». Nous ne sommes pas loin du délit de blasphème.

Plus révoltants sont ceux qui, se drapant dans la toge des défenseurs des droits de l’homme et de la liberté d’expression, font des effets de manche devant les caméras et n’ont que le mot islamophobie à la bouche : une manière pour eux de flétrir la laïcité. Alors, certes, ils déplorent « la forme » de l’arrestation de B. Sansal (il faut bien donner quelques gages de libéralisme) mais sur le fond, il ne serait pas défendable. Ils n’ont pas de mots assez durs pour condamner ses propos et ses « fréquentations ». N’aurait-il pas accordé une interview à un media d’extrême-droite (Frontières), ne se serait-il pas rendu en 2010 à Jérusalem dans le cadre d’une rencontre d’écrivains ? Sansal ne serait rien moins qu’un prosioniste, un suprémaciste qui hiérarchiserait les civilisations en critiquant l’islamisme et en portant la plume contre les régimes corrompus et totalitaires qui, notamment en terre musulmane, tiennent leurs peuples sous leur joug et les musèlent.

Alors qui est vraiment Boualem Sansal ? Rebelle, laïque, universaliste, cartésien et raisonneur
comme le mathématicien qu’il fut, athée revendiqué (et en cela dérangeant aux yeux de ceux qui, par confort intellectuel, assignent à une prétendue identité tout individu et l’essentialisent d selon un schéma de pensée réducteur et arrogant), intrépide jusqu’à l’imprudence, et dans le même temps témoignant pour le genre humain d’une confiance déroutante et finalement fatale. En un mot, un homme libre. En 2012, cet amoureux des mots et des livres, cet écrivain reconnu, déclarait « qu’écrire, c’est s’exposer », qu’il avait conscience de devoir « s’engager » et se battre « jusqu’au bout ». Nous en sommes là.

Il nous appartient désormais d’être sans cesse plus nombreux aux côtés de celui qui a choisi d’être notre compatriote, aux côtés de ce grand écrivain, afin qu’il puisse à nouveau écrire, s’exprimer, débattre. Il nous appartient de lui apporter sans relâche et en toute occasion notre soutien, chacun à son niveau : politique, journaliste, artiste, citoyen engagé. Il en va de sa vie, il en va de notre honneur.

Télécharger le communiqué en PDF