Pour dégonfler quelques baudruches…

Aline Girard, Enseigner le fait religieux à l’école : une erreur politique ?, préface de Catherine Kintzler, Minerve, 144 p., 9,50 €

En France, depuis 20 ans, que n’a-t-on entendu sur le sujet. Le « fait religieux » ne serait pas enseigné à l’école, la laïcité scolaire interdirait aux élèves d’avoir accès à la culture religieuse… Ces assertions sont répétées à l’envi, le plus souvent d’un ton péremptoire. Le petit livre d’Aline Girard permet déjà d’y voir clair sur le sujet. Et de dégonfler quelques baudruches qui ont produit bien plus de brouillard que de savoir sur l’enseignement du fait religieux à l’école.

Aline Girard rappelle qu’à la suite du rapport élaboré par Régis Debray en 2002, dont elle décortique le contenu, le « fait religieux » a bien été officiellement introduit dans les programmes scolaires dès 2005. Ce livre décrit avec précision les termes du débat et sa chronologie. Pour les promoteurs de cet enseignement, il serait nécessaire que « Dieu, sorte de pompier de service, fasse son retour à l’école, puisque le monde déboussolé ne pourrait plus être analysé et compris qu’à travers le prisme du religieux ». Lors d’un débat organisé en 2003 sur ce thème, Régis Debray est ainsi questionné par un enseignant : s’agirait-il donc de « calmer les élèves musulmans des banlieues ? ». Et le philosophe de rétorquer : « Mais bien sûr, c’est bien de cela qu’il s’agit ».

Catherine Kintzler, qui signe la préface du livre, en appelle bien plutôt à la réintroduction des humanités pour affermir la distance critique, construire la liberté de pensée et susciter le doute chez les citoyens en devenir. Loin de ces exigences, la présence accrue du fait religieux à l’école contribue à l’inverse à essentialiser les élèves et à les assigner à leurs divers héritages, religieux et socio-culturels.

Philippe Foussier

2021

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