Le symbole du naufrage de la pensée et de l’action démocratique s’appelle Mila

Tribune

Par Jean-Pierre Sakoun

Président, Unité Laïque

Jean-Pierre Sakoun. Tribune du 16 juin 2021. Marianne

Jean-Pierre Sakoun, président de l’association Unité laïque, explique pourquoi Mila symbolise le naufrage de la pensée et de l’action démocratique.

 Depuis vingt ans, tous les professionnels de la victimisation, racialistes, indigénistes, islamistes, communautaristes, traînent dans la boue le peuple français en l’accusant de toutes les horreurs esclavagistes, colonialistes, xénophobes. Qu’ils soient Français de fraîche date ou enrôlés dans les bataillons d’idiots utiles qui se battent pour faire triompher la « vertu » woke et la « cancel culture », pas un pour tenir compte de l’histoire et du réel.

Or, la France est probablement le pays le plus antiraciste, les plus anti-esclavagiste, le plus solidaire, le plus égalitaire, le plus respectueux de la liberté de chacun. Elle ne laisse pratiquement personne au bord du chemin et en particulier les geignards en colère qui nous rebattent les oreilles du matin au soir de leurs plaintes folles.

Les plus délirants d’entre eux n’hésitent pas à comparer le sort fait à nos concitoyens de religion ou de culture musulmane à celui des juifs dans l’Allemagne des années 1920 et 1930. Cet atterrant parallèle mérite que l’on s’y arrête.

Qui aujourd’hui, dans la rue, dans les salles de rédaction, les écoles, les cafés, dans les salles de spectacles, sur la Promenade des Anglais, se fait assassiner par des nervis fascistes ? Les extrémistes intégristes et radicaux de l’islam, ou leurs victimes juives, catholiques ou simplement citoyennes dans leur pays laïque ? Combien de morts, combien de blessés, combien d’agressions par des voyous brandissant l’islam comme raison ultime de leur action ?

Combien, en revanche, de victimes musulmanes de l’amalgame fantasmé par tous les petits bras de la République, de Jean-Louis Bianco à Edwy Plenel, de Tariq Ramadan au CCIF ? Cette violence réelle se double désormais de l’instrument le plus brutal inventé par l’homme depuis qu’il s’ingénie à détruire son semblable : le harcèlement sur les réseaux sociaux. Et puisque tous les guerriers de la justice sociale invoquent, sans désemparer, « les heures les plus sombres », livrons-nous à notre tour à cette comparaison.

« Ce sont bien ces jeunes islamistes fanatisés par des entrepreneurs de haine, qui veulent faire régner sur la France républicaine, laïque, démocratique et sociale, la bêtise, la haine et la superstition. »

Dans l’Allemagne des années 1920, les nazis installèrent leur pouvoir par la terreur en comptant sur la lâcheté commune. Les petites bandes de voyous excités, ultra-violents et antisémites, les SA, ce lumpenprolétariat désoeuvré recruté à pas cher pour casser et tuer du juif, du communiste, du socialiste et pour terroriser ses concitoyens pacifiques, n’ont pas eu beaucoup de mal à instaurer leur effroyable pouvoir sur un pays qui a courbé l’échine et où chacun a troqué sa dignité contre le fallacieux espoir de na pas être un jour soi-même la cible et la victime des tueurs.

Depuis l’irruption sur la scène politique internationale des fatwas, dont la première fut celle prononcée par les mollahs iraniens contre Salman Rushdie, nous savons qu’il y aura toujours, partout, un fanatique islamiste pour venir retirer son lot de vierges en assassinant, si possible atrocement, le blasphémateur. Nous ne manquons pas d’exemples accablants, le dernier en date en la personne de Samuel Paty. Alors si l’on veut parler de SA rassemblés pour faire régner la terreur par les mots et par les actes, c’est vers ces barbares incultes, superstitieux et obscurantistes qu’il faut tourner le regard.

Ceux-là ne font pas la différence entre la vie et la mort, ne respectent aucun être humain, appellent au meurtre, au viol, à l’éventration, aux tortures les plus insupportables que leur dictent leurs fantasmes, dans les termes les plus orduriers, le plus dégradants, les plus indicibles et ils passent à l’acte ! Oui les nouveaux SA, le nouveau lumpenprolétariat à la disposition des nouveaux fascistes, ce sont bien ces jeunes islamistes fanatisés par des entrepreneurs de haine, dont la violence est sans limite et qui veulent faire régner sur la France républicaine, laïque, démocratique et sociale, la bêtise, la haine et la superstition.

Depuis un an et demi désormais, les nouveaux SA ont jeté leur rage sur Mila parce qu’elle a osé refuser vertement les avances sexuelles grossières d’un imbécile qui se cachait en exhibant sa religion et à qui elle a dit ce qu’elle pensait de cette religion-là qu’il instrumentalisait pour arriver à ses fins.

De 1921 à 1938, les SA agressèrent, blessèrent, tuèrent, massacrèrent impunément, devant les yeux baissés des Allemands, de fait complices de leur barbarie. Oh, il y eut bien des défilés, surtout au début, il y eut bien des déclarations magnifiques, il y eut bien des rodomontades héroïques, mais les juifs, les communistes, les socialistes ou tout simplement les démocrates, continuèrent à mourir en masse jusqu’à ce que la charia aryenne se fût emparée de tous les pouvoirs et qu’elle eut enfin toute licence de détruire l’Europe.

« Les responsables de la situation ne sont pas seulement ceux qui réclament le rétablissement du délit de blasphème ou ceux qui trouvent qu’elle est allée trop loin. »

Ce qui se passe sous nos yeux avec Mila reproduit exactement ce processus. Depuis 2012, les morts, les blessés et les traumatisés du fascisme islamiste s’amoncellent et ceux qui ne meurent pas sont, tels des Hilotes, séparés du monde des vivants, cloîtrés, soumis à la menace constante de la mort violente, arbitraire et barbare pendant que leurs bourreaux se pavanent en toute impunité. Ils reçoivent des rappels à la loi, des peines de travaux d’intérêt général ou de prison dont la ridicule mansuétude les fait sans doute rire à gorges déployées, eux qui rêvent tellement de les trancher.

Aujourd’hui le symbole de ce naufrage de la pensée et de l’action démocratique s’appelle Mila. Mais les responsables de la situation ne sont pas seulement ceux qui réclament le rétablissement du délit de blasphème ou ceux qui trouvent qu’elle est allée trop loin et qu’elle a quand même un peu mérité ce qui lui arrive, ou ces néoféministes qui se renient.

Les vrais coupables, c’est vous tous, c’est moi, c’est nous, tous ceux, président de la République et gouvernement en tête, qui ne suscitent pas ou ne soutiennent pas un élan citoyen inexorable, tous ceux qui ne prennent pas l’engagement de se mettre en travers de la violence des nouveaux SA pour protéger Mila et pour se protéger eux-mêmes de la douleur sans fin qui les attendra bientôt s’ils renoncent à mettre fin à la douleur présente.

En 1977, Maurice Clavel écrivait l’un de ses plus grands livres Nous l’avons tous tué ou ce juif de Socrate ! Nous espérons, de tout notre coeur et de toute notre âme, que rien de tel n’arrivera jamais à cette « juive » de Mila. Mais ce qui lui arrive déjà, et ce qui pourrait advenir si le pire se produisait, c’est nous, vous et moi, citoyens de ce pays, qui en sommes et serions les seuls responsables. Et non seulement nous en portons tous le poids moral mais nous en crèverons tous, si nous ne rendons pas à Mila sa liberté en faisant, s’il le faut, barrage de nos corps face aux nouveaux SA. Que le peuple partout se lève et impose sa loi.