Le 13 janvier 1898, J’accuse

Le 13 janvier 1898, la Une de L’Aurore titre : « J’Accuse… ! Lettre au président de la République   par Emile Zola».  Suit le texte de la longue « Lettre à M. Félix Faure » en pages 1 et 2 du quotidien fondé par Ernest Vaughan et dont l’équipe de rédaction réunit notamment Arthur Ranc, Bernard Lazare et Georges Clémenceau, tous ardents dreyfusards.

Le manuscrit  de cette Lettre « sortie de moi en un cri », dira Zola, est conservé à la Bibliothèque nationale de France.

À propos de ce texte, Jules Guesde déclare : « La lettre de Zola, c’est le plus grand acte révolutionnaire du siècle » et, comme le relate Charles Péguy, « le choc donné fut si extraordinaire que Paris faillit se retourner  ». 300.000 exemplaires de L’Aurore sont écoulés en quelques heures.

L’Affaire Dreyfus débute en décembre 1894 avec la condamnation et la dégradation du Capitaine Alfred Dreyfus, traître accusé d’espionnage  au profit de l’Allemagne. Zola publie, dès le 16 mai 1896, l’article Pour les Juifs , dans lequel il s’insurge contre l’antisémitisme. Cette publication a probablement incité les défenseurs de Dreyfus à se tourner vers lui. Il rencontre Bernard Lazare, l’auteur d’Une Erreur judiciaire. La vérité sur l’affaire Dreyfus, puis, Maître Leblois, avocat de Picquart, et Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat. Ils le convainquent de l’innocence de Dreyfus, et de la nécessité d’agir pour rétablir la vérité. Zola publie trois articles dans Le Figaro à partir du 25 novembre 1897. Il y défend M. Scheurer-Kestner , violemment pris à partie pour sa prise de position dreyfusarde, dénonce l’antisémitisme et le mythe du syndicat  juif. Enfin, il reprend les circonstances de l’« affaire » (Procès-verbal ). Il poursuit son action dans ses lettres À la Jeunesse  et À la France , publiées chez Fasquelle.

Le commandant Esterhazy passe devant le conseil de guerre. Il est acquitté le 11 janvier 1898. La réaction de Zola ne se fait pas attendre. En écrivant « J’accuse… ! » dans L’Aurore, Émile Zola provoque et cherche à être poursuivi pour diffamation. S’il est traduit en justice, la vérité sur l’affaire Dreyfus pourra éclater. « La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera  », écrira-t-il.  Mais le chemin vers l’acquittement du capitaine sera long et, par la publication de ce texte, Zola se livre en pâture à une virulente campagne de presse. Il connaîtra un exil et de longues vicissitudes judiciaires  qu’il vivra très mal.

Dans L’Aurore du 22 décembre 1900, Zola publie une autre Lettre au président de la République (Lettre à M. Loubet ) faisant suite à la loi d’amnistie , dont le manuscrit autographe est dédicacé par Zola à Mathieu Dreyfus.  

Dans le discours qu’il prononce lors des obsèques du romancier le 5 octobre 1902, Anatole France dira d’Emile Zola : « Il fut un moment de la conscience humaine ».