La robe et l’avocat : La robe, toute la robe, rien que la robe

Les Notes d’Unité Laïque

Par Anne Salzer, avocate, membre du Bureau d’Unité Laïque

Le Barreau de Lille a consolidé son règlement intérieur le 27 juin 2019 en disant que l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration ni signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique.

Avant, le conseil de l’Ordre des avocats de Paris a interdit, par une délibération en 2015 (sans toutefois modifier le règlement intérieur du barreau de Paris), le port des signes distinctifs religieux, communautaires ou politiques sur la robe par une délibération qui concerne aussi les élèves avocats en situation d’audience, c’est-à-dire lors de leur stage en juridiction, de la prestation de petit serment et des simulations d’audiences (après un rapport en ce sens du Bâtonnier Farthouat).

*

Le costume d’audience représente l’unité de la profession et l’égalité entre confrères.

Il l’est aussi, conformément à l’article 3 de la loi de 1971 règlementant la profession d’avocat, lorsque l’avocat doit revêtir le costume d’audience, dans l’exercice de ses fonctions judiciaires.

Une élève-avocat et un avocat ont pourtant formé un recours devant la Cour d’Appel de Douai contre cette décision.

Le défenseur des droit est intervenu dans ce conflit en considérant qu’un Ordre des avocats ne pouvait restreindre la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 10 DDH et 9 CESDH), arguments repris par les deux appelants et que contraindre une avocate à porter le voile a un caractère discriminatoire à l’égard des femmes de religion musulmane.

Devant la Cour, le Barreau de Lille a soutenu le fait que la mission de l’avocat n’est pas personnelle. Elle est de défendre la cause de son client et que le port de signes religieux peut aujourd’hui provoquer des manifestations, tension, conflits qui animent la société. Or, l’avocat est aussi un auxiliaire de justice qui concoure au service public de la Justice ( CE 20 avril 2020 – n°439983).

L’arrêt du 9 juillet 2020 (RG 19/05808) est clair. En les déboutant, il dit :

  • L’élève avocat n’est pas avocat – son préserment ne fait pas d’elle une avocate. Ce préserment est juste prévu par les textes de la profession en termes d’éthique et déontologie.
  • Elle n’est pas soumise à la robe et à la contestation des décisions de l’Ordre.
  • Article 3 de la loi 1971 : L’avocat est un auxiliaire de justice qui concoure au service public de la justice.
  • L’avocat, dans le cadre et l’objectif de protection des droits et libertés d’autrui, doit s’effacer au profit du justiciable.
  • Cette interdiction est légitime et proportionnée.

Une nuance sur les motivations de la Cour qui indique que l’interdiction de porter le voile pour l’avocat, ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate mais seulement restreindre celle-ci dans ses missions devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, ce qui contredit à la fois la délibération du Conseil de l’Ordre de Paris et le cadre de cette prestation de préserment en audience solennelle.

Or, cette motivation est contestable sachant que le préserment est prévu par l’article 12 de la loi de 1971 réglementant la profession d’avocat et que la neutralité est exigée à l’avocat lors de sa prestation de serment.

Par ailleurs, les audiences solennelles de la Cour exige la neutralité pour tous les citoyens, donc applicable à l’élève-avocat.

*

La conférence des bâtonniers a rappelé, le 18 novembre 2016, le fait que les avocats se présentent tête nue dans l’exercice public de leurs fonctions d’assistance et de représentation, à l’aune du principe de neutralité

*

Le 6 janvier 2022, une élève-avocate de l’EFB ( Barreau de Paris) a refusé de retirer son foulard lors de son préserment, déclenchant une émotion sur les réseaux sociaux, notamment dans la sphère islamo-gauchiste.

Or, le port de signes distinctifs est interdit devant les Juridictions et la prestation de serment se déroule en audience solennelle devant la Cour d’Appel de Paris.

L’EFB a demandé à l’élève-avocate de se mettre au fond alors qu’elle refusait de le retirer contrairement à deux autres femmes qui ont accepté de retirer leurs foulards, certainement pour éviter l’incident.

Il faut savoir que :

  • Les écoles de formation des Barreaux n’ont pas « encore » prévu de règlement intérieur dans leurs fonctionnements ; Il serait temps qu’elles le fassent !
  • L’audience étant solennelle, elle aurait pu provoquer l’intervention du Premier Président de la Cour d’Appel qui, à l’aune de sa police d’audience, aurait sollicité de retirer le voile.

EN CONCLUSION

Il faut un cadre avec un règlement intérieur par chaque école des inter-Barreaux, compétent ou un règlement édicté par le conseil national des Barreaux (CNB) sur le sujet du voile pour prévoir son interdiction au nom d’une neutralité nécessaire pour l’avocat dans l’exercice de son activité, notamment en costume d’audiences mais pas uniquement.

Les écoles de formation sont des écoles professionnelles, qui ne sont donc pas des Universités.

Il faut donc réguler au nom de la liberté d’expression à savoir le fait que si un avocat peut exprimer publiquement ses convictions personnelles, il le peut moins dans son activité professionnelle.

Comme la rappelait Richard Malka, parrain de la promotion de l’EFB 2022 (et cette polémique le 6 janvier 2022 n’est pas un hasard), l’avocat militant l’est à titre personnel. Quand il exerce son métier, il est dévoué à son client.

*

NB :

Rappelons que :

  • les magistrats entrent en salle d’audience, la toque à la main et donc la tête découverte
  • les personnes auditionnées à la Barre aussi sauf lorsqu’elles sont les représentante officielle d’une confession ou dédiées aux ordres (comme les militaires d’ailleurs)


Les Notes d’Unité Laïque

La robe et l’avocat : La robe, toute la robe, rien que la robe

Par Anne Salzer, avocate, membre du Bureau d’Unité Laïque

Le Barreau de Lille a consolidé son règlement intérieur le 27 juin 2019 en disant que l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration ni signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique.

Avant, le conseil de l’Ordre des avocats de Paris a interdit, par une délibération en 2015 (sans toutefois modifier le règlement intérieur du barreau de Paris), le port des signes distinctifs religieux, communautaires ou politiques sur la robe par une délibération qui concerne aussi les élèves avocats en situation d’audience, c’est-à-dire lors de leur stage en juridiction, de la prestation de petit serment et des simulations d’audiences (après un rapport en ce sens du Bâtonnier Farthouat).

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Le costume d’audience représente l’unité de la profession et l’égalité entre confrères.

Il l’est aussi, conformément à l’article 3 de la loi de 1971 règlementant la profession d’avocat, lorsque l’avocat doit revêtir le costume d’audience, dans l’exercice de ses fonctions judiciaires.

Une élève-avocat et un avocat ont pourtant formé un recours devant la Cour d’Appel de Douai contre cette décision.

Le défenseur des droit est intervenu dans ce conflit en considérant qu’un Ordre des avocats ne pouvait restreindre la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 10 DDH et 9 CESDH), arguments repris par les deux appelants et que contraindre une avocate à porter le voile a un caractère discriminatoire à l’égard des femmes de religion musulmane.

Devant la Cour, le Barreau de Lille a soutenu le fait que la mission de l’avocat n’est pas personnelle. Elle est de défendre la cause de son client et que le port de signes religieux peut aujourd’hui provoquer des manifestations, tension, conflits qui animent la société. Or, l’avocat est aussi un auxiliaire de justice qui concoure au service public de la Justice ( CE 20 avril 2020 – n°439983).

L’arrêt du 9 juillet 2020 (RG 19/05808) est clair. En les déboutant, il dit :

  • L’élève avocat n’est pas avocat – son préserment ne fait pas d’elle une avocate. Ce préserment est juste prévu par les textes de la profession en termes d’éthique et déontologie.
  • Elle n’est pas soumise à la robe et à la contestation des décisions de l’Ordre.
  • Article 3 de la loi 1971 : L’avocat est un auxiliaire de justice qui concoure au service public de la justice.
  • L’avocat, dans le cadre et l’objectif de protection des droits et libertés d’autrui, doit s’effacer au profit du justiciable.
  • Cette interdiction est légitime et proportionnée.

Une nuance sur les motivations de la Cour qui indique que l’interdiction de porter le voile pour l’avocat, ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate mais seulement restreindre celle-ci dans ses missions devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, ce qui contredit à la fois la délibération du Conseil de l’Ordre de Paris et le cadre de cette prestation de préserment en audience solennelle.

Or, cette motivation est contestable sachant que le préserment est prévu par l’article 12 de la loi de 1971 réglementant la profession d’avocat et que la neutralité est exigée à l’avocat lors de sa prestation de serment.

Par ailleurs, les audiences solennelles de la Cour exige la neutralité pour tous les citoyens, donc applicable à l’élève-avocat.

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La conférence des bâtonniers a rappelé, le 18 novembre 2016, le fait que les avocats se présentent tête nue dans l’exercice public de leurs fonctions d’assistance et de représentation, à l’aune du principe de neutralité

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Le 6 janvier 2022, une élève-avocate de l’EFB ( Barreau de Paris) a refusé de retirer son foulard lors de son préserment, déclenchant une émotion sur les réseaux sociaux, notamment dans la sphère islamo-gauchiste.

Or, le port de signes distinctifs est interdit devant les Juridictions et la prestation de serment se déroule en audience solennelle devant la Cour d’Appel de Paris.

L’EFB a demandé à l’élève-avocate de se mettre au fond alors qu’elle refusait de le retirer contrairement à deux autres femmes qui ont accepté de retirer leurs foulards, certainement pour éviter l’incident.

Il faut savoir que :

  • Les écoles de formation des Barreaux n’ont pas « encore » prévu de règlement intérieur dans leurs fonctionnements ; Il serait temps qu’elles le fassent !
  • L’audience étant solennelle, elle aurait pu provoquer l’intervention du Premier Président de la Cour d’Appel qui, à l’aune de sa police d’audience, aurait sollicité de retirer le voile.

EN CONCLUSION

Il faut un cadre avec un règlement intérieur par chaque école des inter-Barreaux, compétent ou un règlement édicté par le conseil national des Barreaux (CNB) sur le sujet du voile pour prévoir son interdiction au nom d’une neutralité nécessaire pour l’avocat dans l’exercice de son activité, notamment en costume d’audiences mais pas uniquement.

Les écoles de formation sont des écoles professionnelles, qui ne sont donc pas des Universités.

Il faut donc réguler au nom de la liberté d’expression à savoir le fait que si un avocat peut exprimer publiquement ses convictions personnelles, il le peut moins dans son activité professionnelle.

Comme la rappelait Richard Malka, parrain de la promotion de l’EFB 2022 (et cette polémique le 6 janvier 2022 n’est pas un hasard), l’avocat militant l’est à titre personnel. Quand il exerce son métier, il est dévoué à son client.

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NB :

Rappelons que :

  • les magistrats entrent en salle d’audience, la toque à la main et donc la tête découverte
  • les personnes auditionnées à la Barre aussi sauf lorsqu’elles sont les représentante officielle d’une confession ou dédiées aux ordres (comme les militaires d’ailleurs)

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