Délit de Blasphème et tolérance intégrale : la liberté de conscience exécutée



Café Laïque avec David Di Nota
23 novembre 2022



Le Laïcité Social Club, qui associe Unité Laïque et Le Chevalier de La Barre, était plein pour cette soirée, preuve s’il en est que la liberté de conscience et la liberté d’expression font partie de notre ADN républicain et que, quelques soient les horizons dont nous venons, nous y sommes tous viscéralement attachés. David Di Nota avait d’ailleurs répondu avec enthousiasme à notre invitation.

Romancier, essayiste, philosophe, docteur en sciences politiques, lui aussi, au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, a ressenti ce terrible et sanglant attentat contre l’Ecole de la République comme un tournant d’une force symbolique sans égale. Il s’en est saisi pour écrire son livre enquête, contre-enquête de celle menée par l’Education Nationale qui s’est soldée par ce pas de vague duquel cette institution est désormais hélas coutumière.

Dans ce livre David Di Nota montre comme la bienveillance truquée de l’administration assure dès le début à Samuel Paty la présomption de culpabilité. Mais aussi comme la procédure se change rapidement en verdict. C’est là que s’établit le parallèle avec le Procès de Kafka. Implacable.

Samuel Paty a été assassiné par un islamiste. Mais, comme le montre David Di Nota, Samuel Paty a aussi été assassiné par la Rumeur qui gangrène notre société et que véhiculent l’islamisme bien sûr mais aussi le racialisme, le décolonialisme, le victimisme…

Dès le 16 octobre 2020, David Di Nota décide de se plonger dans les faits, précis, et projette alors d’en faire le récit intégral. Les faits, rien que les faits. Il s’appuiera pour ce faire sur les rapports de l’administration, sur les témoignages. Plus il creuse plus le constat est terrible et implacable. Samuel Paty, coupable de rien, est responsable de tout aux yeux de beaucoup.

Cet assassinat dit beaucoup de nous, de nos renoncements collectifs en premier lieu desquels notre capacité à cibler, dénoncer et combattre le djihad d’atmosphère, l’islamisme dont l’agenda politique et social se joue de nos lâchetés. Nos contradictions politiques nous affaiblissent et abandonnent celles et ceux qui, défendant corps et âme nos libertés, se trouvent à leur merci.

La démarche intellectuelle de David Di Nota s’appuie sur une éthique essentielle : ne rien taire du moment que tout ce qui est énoncé est vrai. L’histoire de l’assassinat de Samuel Paty s’étale sous nos yeux incrédules. La consultation des pièces administratives est sans appel. Le diable se niche dans les détails et le devoir de vérité guide l’enquête. Comment ne pas être choqué par la réaction de certains syndicats, de certains intellectuels, comme François Héran, ou même Jean-Fabien Spitz, qui nient l’état de droit, les contractualistes, notre liberté de conscience, et tentent d’assassiner ainsi la mémoire de Samuel Paty. Non. Nous sommes les cimetières de ceux que nous aimons, de ceux que nous estimons. La douleur est incurable mais Samuel Paty reste à jamais vivant tant que ce travail de mémoire, d’instruction est l’objet de notre inlassable transmission.

Le parallèle avec l’affaire Dreyfus émerge car, au fur à mesure que les anomalies, les erreurs s’accumulent au sein de la chaîne administrative, avant et après l’assassinat de Samuel Paty, un objectif apparaît, terrible. Confirmer le mensonge. Le livre enquête de David Di Nota permet de le déconstruire au contraire. Non Samuel Paty ne s’est jamais excusé. Oui le référent laïcité aura joué un rôle néfaste. Oui un procès, dans le cadre antiterroriste, se fera. Non la plainte déposée de la famille de Samuel Paty pour non-assistance à personne en danger n’est hélas pas sûre d’être instruite. C’est pourtant l’enjeu ici essentiel. Oui le courage politique est essentiel. Oui il en va de notre République car ce qui se joue est ici crucial : défendre l’émancipation que permet l’idéal, plus que jamais à construire, d’une République indivisible, démocratique, laïque et sociale. Ce que défendent les intellectuels du délit de blasphème cités précédemment c’est le projet de l’individualisme forcené, du communautarisme sécessioniste. C’est le néo-tribalisme en lieu et place de la citoyenneté.

La France, cette nation à laquelle on adhère par le cœur et la raison autant que par les racines, que Lévinas décrit en quelques mots, c’est aussi celle dans laquelle le visage, cette invitation à partager la responsabilité de l’altérité dans une rencontre de nos mises à nu, doit pouvoir être regardé en face, avec lucidité. David Di Nota nous invite, au travers des évènements, à nous regarder en face. Nous nous devons à nous-mêmes de le faire avec le regard droit et, malgré la vision difficile à soutenir parfois, enthousiaste. Nous le devons à Samuel Paty.

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