Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS, membre du CA d’Unité Laïque, nous a aimablement transmis pour publication la version longue de l’article qu’elle a publié dans « Réforme », revue des protestants de France, en regard de la réponse – dont on connait hélas déjà le contenu avant même de l’avoir lue, de Jean Baubérot à la même question.
Oui, bien sûr, il fallait interdire l’abaya : on attendait cette décision depuis au moins un an. Et ce pour au moins quatre raisons.
Premièrement, le port de l’abaya dans les établissements scolaires est tout sauf isolé, contrairement à ce que prétendent les naïfs, les mal informés, ou les idiots utiles de l’islamisme. Selon Iannis Roder on a vu des lycées avec 150 à 200 abayas, et les statistiques mensuelles ont confirmé une tendance à la hausse. Et même s’il ne s’agissait que de cas isolés : renonce-on à mettre des pestiférés en quarantaine au motif qu’ils sont peu nombreux ?
Chaque année, nos amis de l’association Le Chevalier de La Barre (CDLB), organisent avec le Collectif laïque national (CLN), une fête de la laïcité, le samedi le plus proche de la date anniversaire du martyre du Chevalier de La Barre, ce jeune homme de vingt ans qui fut, le 1er juillet 1766, le dernier homme en France à subir la torture pour blasphème et que magnifia Voltaire.
Quelques années après que la République conservatrice et la Chambre des députés réactionnaire et royaliste élue en 1871 eurent décidé de consacrer la France au Sacré-Cœur de Jésus et d’humilier le peuple de Paris en faisant construire sur le Champ des Polonais, où s’embrasa la Commune de Paris, la meringue byzantino-sulpicienne qui couronne désormais Montmartre, les Républicains réels, arrivés au pouvoir entre temps, n’hésitèrent pas à s’opposer symboliquement à cette entreprise, en faisant ériger, face à l’entrée de la basilique, une statue de François Jean Lefebvre de La Barre, en Saint-Sébastien souffrant.
Les nazis, avec la bénédiction (si l’on ose dire) de Pétain et des collaborationnistes, fondirent cette statue pour en faire des canons.
Il fallut tout l’élan libre-penseur, laïque et républicain de nos amis du Chevalier de La barre pour que cette statue fût réérigée à la fin des années 90, sur le socle de la précédente, mais différente. Ce n’est plus un Saint-Sébastien souffrant qui se dresse face au temple de la réaction bigote, mais un jeune homme mutin, tel qu’il fut célébré par Voltaire.
C’est pourquoi, plutôt qu’une procession ou qu’une minute de silence, le CDLB et le CLN proposent aux Parisiens – et aux autres ! – de venir faire la fête. La fête de la liberté de conscience, de l’émancipation, de la liberté d’expression.
Le 12 janvier 2023, Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité Laïque, militant, essayiste, donnait une conférence au Café Laïque Bruxelles sur « La Laïcité française, histoire et perspectives.
« S’il fallait une démonstration par l’absurde de l’effet pacificateur de la laïcité et de ce qui se passe lorsqu’on l’affaiblit, ces messieurs du Palais-Royal nous en auraient apporté la plus belle preuve. Non, les crèches n’ont rien à faire dans la maison commune. Non, la République française n’a pas de racines chrétiennes. Non, la différence des droits n’est pas la voie qui garantira l’émancipation, la liberté, l’égalité, la fraternité et la paix civile dans notre pays. »
Par deux ordonnances du 26 août 2016 et du 26 septembre 2016, le Conseil d’État considérait que le port du burqini[1] n’était pas répréhensible sur les plages de notre pays. Souvenons-nous que les « affaires » de burqinis furent montées de toutes pièces par les milieux islamo-fréristes, immédiatement après l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, pour établir un contrefeu à l’indignation populaire, mettre de nouveau en position de victimes les islamistes qui veulent se faire passer pour les représentants des musulmans et distraire l’opinion de l’horreur niçoise.
Cette décision, si elle se concevait en droit, les plages étant des lieux publics que l’on peut occuper en se vêtant comme on le veut, choqua, au moment où elle fut prise. D’une part dans son rapport manipulatoire évident avec l’attentat monstrueux de Nice, mais aussi parce que, aujourd’hui comme hier, la pression islamiste sur les femmes et leur liberté, dont la première traduction est leur voilement, leur effacement de l’espace public, continue de heurter le peuple français dans sa très grande majorité, comme le démontrait en avril 2019 une enquête de l’IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès[2].
Quelques mois plus tard, par deux arrêts en date du 9 novembre 2016, le même Conseil, venant en jugement définitif sur l’affaire de l’installation d’une crèche dans la mairie d’extrême-droite de Béziers à Noël 2014, prenait l’une des décisions les plus absurdes et les plus manifestement contraires à la loi de son histoire, en autorisant « sous certaines conditions » la présence de crèches dans les édifices publics, en particulier les mairies, bafouant ouvertement l’article 28 de la Loi de Séparation des Églises et de l’État. Celui-ci stipule sans aucune ambigüité « [qu’]Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblèmereligieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions ».
« Les combats laïques sont multiples et touchent à la fois à la liberté des individus et à l’égalité des citoyens. Ils trouvent racine dans l’idéal d’émancipation humaine, collective comme individuelle, et se nourrissent de l’autodétermination. Nulle conscience enfermée dans les affres des déterminismes, cadenassée par un chemin imposé dès l’enfance ou étouffée par des pressions communautaires n’est libre et ne peut réaliser de véritables choix. Outre une simple séparation organique des Églises et de l’État, le principe de laïcité, qualifiant notre cadre républicain français dès l’article premier de notre Constitution, s’inscrit aussi et surtout dans un processus antérieur à la loi de 1905. Il remonte à la logique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Le long processus de laïcisation du droit qui en découle agit ainsi en France, au moins symboliquement, comme une sorte d’effet cliquet sur de nouveaux droits modifiant certaines normes dont le seul fondement était d’essence morale religieuse. De l’égalité du droit de vote à la légalisation de l’avortement, de celle du divorce au mariage pour tous, de la liberté des funérailles au choix du patient de refuser un traitement dans les étapes les plus importantes de sa vie privée, un processus de laïcisation s’est opéré au profit du choix de la personne. La multiplication des libertés dans la vie personnelle du citoyen s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui sans rien enlever à ceux qui décident légitimement de continuer à s’imposer des règles religieuses tout aussi personnelles. Ces « respirations laïques » n’ont pas de tabou et doivent bénéficier au citoyen jusqu’à son dernier souffle. C’est ainsi que nous nous engageons pour le droit de mourir dans la dignité car il est un combat laïque.
FabienRoussel, candidat communiste à la présidentielle a rencontré samedi 5 février le CCAF sud (Comité de Coordination des Organisations Arméniennes de France) au Centre culturel Sahak Mesrop de Marseille. Ont assisté à cette réunion : Pierre Ouzoulias sénateur, Jeremy Bacchi sénateur, Diko Harounyan coprésident du CCAF sud, Azad Balalas coprésident du CCAF sud, Claude khazarian trésorier Karen Kurshudian de l’ecole Abovian Hovsep Hovsepian des anciens combattants, Melikyan Loussiné altitude 5165 et Simon Azilazian pour l UCFAF .
A cette occasion, il a défendu l’initiative d’Unité Laïque pour le transfert au Panthéon de la dépouille mortelle de Missak Manouchian
« Souvenez-vous de celui qui est né en 1906 à Adyaman, un village aujourd’hui en Turquie dans lequel vivaient ensemble des Kurdes, des Chrétiens syriaques et des Arméniens. Souvenez-vous de celui dont le père est tué en 1915 par des militaires turcs, aux premiers jours d’un génocide qui emporta plus d’un million d’Arméniens. Souvenez-vous de celui qui, devenu orphelin, arrive ici à Marseille, en 1925. Puis monte à Paris pour travailler chez Citroën, adhère au Comité de secours pour l’Arménie et au parti communiste. Souvenez-vous de cet apatride engagé volontaire dans l’armée française puis membre dès 1941 des premiers réseaux de résistance au sein des FTP-MOI. Souvenez-vous de celui qui arrêté par la police de Pétain et remis à l’armée allemande qui le torture. Sur l’affiche rouge, son portrait est désigné par une flèche, avec la mention « chef de bande ». Souvenez-vous de ce combattant de la liberté fusillé le 21 février 1944 avec vingt-deux de ses compagnons, sur le Mont Valérien, dans la clairière où tombèrent des juifs, des communistes, des gaullistes, des chrétiens, des francs-maçons, des étrangers. Souvenez-vous de Missak Manouchian tombé pour la France, pour la liberté, pour une certaine idée de l’humanité qui nous unit encore aujourd’hui. Aujourd’hui, un comité de soutien s’est constitué pour demander l’entrée de Manouchian au Panthéon. J’apporte tout mon soutien à cette initiative. Missak Manouchian doit rentrer au Panthéon pour honorer la mémoire de tous ces étrangers morts pour la France, de tous ces Arméniens chassés par le génocide qui ont été accueillis par la France et qui, tout en restant fidèles à l’Arménie, ont défendu la République et ses principes et participé à l’essor de notre pays. Aujourd’hui, à Marseille, je viens vous témoigner de ma solidarité pour la République d’Artaskh et pour l’Arménie, je viens vous apporter ma reconnaissance pour que vive une France et une République sociale, laïque et respectueuse des peuples et de leur souveraineté. »
Conférence de Virginie Tournay, Lyon, Mairie du VIe arrondissement – le 19 janvier 2022
La conférence de Virginie Tournay a eu lieu devant un public de tous âges, dans une salle bien remplie malgré les duretés pandémiques !
Vous pourrez juger de la qualité exceptionnelle de la réflexion de notre « grand témoin » et de l’acuité de son regard en la regardant et en l’écoutant sur notre chaîne YouTube.
Une initiative portée conjointement par Unité Laïque et Nicolas Daragon, maire de Valence.
Lancement d’un Comité de soutien pour l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon
Quelques jours après l’hommage national rendu à Joséphine Baker au Panthéon, la Ville de Valence et l’association Unité Laïque s’associent pour lancer un Comité de soutien pour l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon.
Ce projet s’inscrit dans un moment historique particulier, celui où va, progressivement avec le temps, se clore la séquence d’hommage national aux héros de la Seconde Guerre mondiale.
A Valence, Missak Manouchian résonne particulièrement dans le cœur des nombreux citoyens d’origine arménienne, pour qui le héros de « l’affiche rouge » fut un modèle d’intégration de la première génération d’Arméniens en France, celle directement issue voire rescapée du Génocide de 1915, premier crime de masse du 20e siècle.
Aujourd’hui encore, il incarne l’engagement des étrangers dans le combat contre le nazisme et pour la liberté au sein de « l’armée des ombres », parfois jusqu’au sacrifice ultime.
Chaque année, le 21 février, sa mémoire et celle de son groupe sont d’ores et déjà honorées, comme dans de nombreuses villes de France.
C’est pourquoi, l’association Unité Laïque – attachée aux principes républicains et à l’idéal d’universalisme – et la Ville de Valence se sont associées pour porter le projet de transfert au Panthéon des cendres du grand résistant Missak Manouchian.
Unité Laïque et la Ville de Valence souhaitent que ce projet rassemble derrière lui la Nation.
Aussi et dès à présent, des intellectuels, des personnalités du monde politique, quelle que soit leur sensibilité, ainsi que des associations représentatives, sont sollicitées pour faire partie du Comité de soutien avant de soumettre cette proposition au Président de la République.
Denis Peschanski, historien et directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la France de Vichy et de la Seconde Guerre mondiale, a d’ores et déjà accepté d’être le conseiller historique du projet, qui reçoit par ailleurs le parrainage de Pascal Ory, membre de l’Académie française.
Denis Peschanski, conseiller historique de la démarche conjointe d’Unité Laïque et du Maire de Valence, Nicolas Daragon, présente notre initiative et justifie l’importance de voir entrer ce héros parfait dans le sanctuaire de la mémoire de la République, dans un esprit universaliste et laïque.
Parce qu’il symbolise l’engagement des étrangers morts pour la France dans le combat contre le nazisme et pour la République, des personnalités demandent le transfert des cendres de ce résistant fusillé en 1944 au mont Valérien.
par Un collectif publié le 13 janvier 2022 à 16h17
Nicolas Daragon, maire de Valence, ville où sont installés tant de Français d’origine arménienne et Jean-Pierre Sakoun, président de l’association Unité laïque, ont réuni autour d’eux un groupe de personnalités pour demander au président de la République le transfert des cendres de Missak Manouchian au Panthéon. Ce projet s’appuie sur l’autorité scientifique de Denis Peschanski, conseiller historique. Un large comité de parrainage est en cours de constitution dans un esprit d’unité nationale. Un appel public à signatures sera lancé au premier semestre 2022.
Missak Manouchian est mort pour la France, fusillé à 37 ans le 21 février 1944 au mont Valérien. Il représente non seulement ses compagnons de l’«Affiche rouge», mais aussi ces étrangers qui firent la France et dont la France fit des citoyens, le vaste peuple des ouvriers, typographes, cheminots, employés, intellectuels et poètes, hommes et femmes d’héroïsme et de devoir. Tous illustrent l’idéal d’une République où comptent avant tout l’amour de la patrie et l’adhésion aux principes universalistes qui la régissent.Archive (11 décembre 2009)
Avec Joséphine Baker, ils seront l’emblème de tous les êtres humains qui aujourd’hui encore, en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique latine, chantent la Marseillaise lorsqu’ils veulent faire entendre leur cri de liberté. En 2014 encore, les insurgés du Maidan à Kiev chantaient la Marseillaise comme avant eux tous les peuples qui se sont soulevés contre l’arbitraire et la misère depuis 1792.
Militant communiste, internationaliste et antifasciste
Missak Manouchian est un Arménien, enfant rescapé du génocide ottoman de 1915, immigré en France en 1925, artisan, puis ouvrier devenu poète et résistant. Militant communiste, internationaliste et antifasciste, il s’engage dès avant la guerre dans la lutte contre le nazisme. Entré dans la Résistance, il devient le chef militaire des Francs-tireurs et partisans français – main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne que les Allemands voudront frapper d’infamie, en les réunissant sur cette Affiche rouge qui les rendra immortels. C’est «en soldat régulier de l’Armée française de la Libération» qu’il meurt avec ses camarades «étrangers et nos frères pourtant».
Emancipé grâce à la République française, aux rivages de laquelle il aborda avec espoir et qui lui donna la liberté, l’égalité et la fraternité, Missak Manouchian sut se battre pour elle jusqu’au sacrifice. Il ne demanda «ni la gloire, ni les larmes, ni l’orgue, ni la prière aux agonisants». Il illustre le dévouement de ces Français par le sang versé, nourris des Lumières et de la mémoire de la grande Révolution, reconnaissants envers ce pays qui fut la terre d’accueil et le phare de tant de persécutés.
Venu en France, son «pays de préférence», il fait partie de ces Arméniens industrieux qui ont épousé la République et le peuple français, auxquels ils appartiennent désormais. Il disait quelques jours avant sa mort : «Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée.» A sa femme tant aimée Mélinée, le jour de son exécution, il écrivait dans une lettre immortalisée par Louis Aragon et Léo Ferré : «Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.»
Nous sommes dans un moment de l’histoire où vont progressivement s’épuiser, faute de combattants, les hommages nationaux aux héros de la Seconde Guerre mondiale. L’entrée de Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, dans la crypte du mont Valérien et celle de Joséphine Baker au Panthéon sont les symboles de la disparition de ces héros. Il ne faut pas que soit oublié l’un des résistants les plus emblématiques et les plus unanimement respectés, qui symbolise l’engagement des Français de cœur dans le combat contre le nazisme et pour la République. Missak Manouchian est l’une des silhouettes les plus admirables du long «cortège d’ombres» célébré par André Malraux.
Oui, la place de Missak, Français de cœur, Français par le sang versé, est au Panthéon.
Signataires : Nicolas Daragon Maire de Valence, Katia Guiragossian Petite-nièce de Missak et de Mélinée Manouchian, Nathalie Heinich Sociologue, Guy Konopnicki Journaliste et écrivain, Alain Minc Conseiller politique, essayiste et dirigeant d’entreprise, Pascal Ory Historien, membre de l’Académie française, Pierre Ouzoulias Sénateur, Denis Peschanski Historien, directeur de recherches au CNRS, Ernest Pignon-Ernest Artiste plasticien, membre de l’Académie des Beaux-Arts, Jean-Pierre Sakoun Président d’Unité laïque et Claudine Tiercelin Professeure au Collège de France.
17 novembre 2021, en collaboration avec l’association Le Chevalier de La Barre
Par Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité Laïque
Parmi les éléments constitutifs de l’idée démocratique, on trouve la séparation du politique et du religieux. Toutes les démocraties respectent ce principe : on est également citoyen, quelle que soit son appartenance ou sa non-appartenance à une église. Mais ce principe se met en œuvre dans des conditions différentes selon les pays dans lesquels il s’applique.
Pour simplifier, il y a deux traditions, la tradition anglo-saxonne, à laquelle l’Allemagne fédérale s’est conformée, puisque la démocratie allemande a été au fond formée par la démocratie et l’influence américaines. Elle y a rallié tous les pays d’Europe du Nord, qui d’ailleurs pour la plupart, l’avaient adoptée, conformément à leur tradition libérale, luthérienne ou calviniste. C’est une tradition fondée sur l’égalité de toutes les religions, sur la liberté religieuse comme dimension première et sur des formes de collaboration dans la vie sociale entre organismes publics et cultes, qui pour nous est assez déroutante. Il paraît par exemple normal que le président des États-Unis prête serment sur la Bible, qu’on sache quelle est l’affiliation religieuse de tous les hommes politiques et que les groupes religieux entretiennent des lobbies et agissent en tant que tels auprès des instances publiques. C’est le cas dans le cadre de l’administration européenne, d’inspiration clairement anglo-saxonne et démocrate-chrétienne. Cette tradition est un des deux grands modes de séparation. Il reste le principe fondamental que les Américains appellent « le mur » de séparation et qui dans certains domaines, est plus infranchissable que dans notre pays laïque. Ainsi, le financement public de l’école privée, confessionnelle ou pas, apparaîtrait aux États-Unis comme une incongruité absolue.
Veuillez indiquer dans le message votre nom, votre prénom et votre adresse de messagerie.
Samedi 4 décembre 2021 de 14h15 à 17h45
Auditorium du Centre du patrimoine arménien
14 Rue Louis Gallet, 26000 Valence
14h00-14h15 : Accueil des participants au Centre du patrimoine arménien
14h15 -14h30 : Allocution de bienvenue de M. Nicolas Daragon, maire de Valence
14h30-14H45 : Ouverture de la conférence-débat par Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité laïque
14h45-15h30 : Table-ronde Élus territoriaux : la laïcité au quotidien
Animée par Philippe Foussier, vice-président d’Unité laïque, ex-Grand Maître du Grand Orient de France, avec :
Christine Priotto, directrice de l’Association des maires de la Drôme et maire de Dieulefit (2008-2020) ;
Bernard Ravet, 3e adjoint au maire de Châtillon-en-Diois, chargé du patrimoine ;
Khadija Unal, première adjointe au maire de Ferney-Voltaire.
15h30-16h00 : Échanges avec la salle
16h00-17h00 : Table-ronde La laïcité : un principe actif
Animée par Jean-Pierre Sakoun, avec :
Jacqueline Costa-Lascoux, docteur en droit, directrice de recherche honoraire au CNRS, ex-présidente de la Ligue de l’enseignement ;
Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS ;
Pierre Juston, doctorant en Droit public, en droits fondamentaux et libertés publiques, spécialisé sur les questions de laïcité.
17h00-17h30 : Échanges avec la salle
17h30-17h45 : Conclusion de la conférence-débat par Philippe Foussier
Les intervenants
par ordre d’intervention
Jean-Pierre Sakoun
Ancien conservateur des bibliothèques et ingénieur de recherche au CNRS, Jean-Pierre Sakoun a été l’un des pionniers de l’édition numérique en France. Il est président d’Unité laïque, après avoir été président du Comité Laïcité République de 2017 à 2021. Il a publié de nombreux articles dans la presse nationale et intervient régulièrement sur les radios et sur les réseaux sociaux où il commente l’actualité d’un point de vue laïque et républicain.
Philippe Foussier
Militant laïque depuis le début des années 1990, Philippe Foussier a notamment été président du Comité Laïcité République (2005-2009). Il a été Grand Maître du Grand Orient de France. Il anime l’émission radiophonique i-trema de l’Union des familles laïques (UFAL). Journaliste indépendant, il a été rédacteur en chef de Communes de France (1995-2017). Diplômé en journalisme et dans le domaine de la défense, il contribue à plusieurs magazines et revues.
Christine Priotto
Christine Priotto est diplômée de sciences Po Lyon. Dès la fin de ses études elle s’engage dans la publique et est élue conseillère départementale de la Drome de 2004 à 2011, puis maire de Dieulefit de 2008 à 2020. Cadre de la fonction territoriale depuis de nombreuses années, elle est actuellement directrice de l’Association des maires de la Drôme (AMF26).
Bernard Ravet
3e adjoint au maire de Châtillon-en-Diois, chargé du patrimoine. Président de la commission Éducation de la LICRA. Ancien principal de collège en ZEP à Marseille, auteur de « Principal de collège ou imam de la République ».
Khadija Unal
Khadija Unal est titulaire d’un DEA de droit de l’Université Paris X-Nanterre. Élue locale et communautaire depuis 2014, elle est première maire adjointe de Ferney-Voltaire dans l’Ain depuis 2016. Elle est par ailleurs cadre dans une société de services aéroportuaires.
Jacqueline Costa-Lascoux
Jacqueline Costa-Lascoux, juriste, sociologue et psychanalyste, est directrice de recherche honoraire au CNRS, associée au CEVIPOF, Sc po Paris. Elle a été présidente, démissionnaire, de la Ligue de l’enseignement de 2001 à 2003. Elle est membre du Bureau Exécutif de la Licra. Elle a publié ouvrages, articles et rapports de recherche sur l’immigration et l’intégration, sur les transformations de la famille, l’éducation à la citoyenneté en France et à l’étranger, sur la laïcité et les valeurs républicaines.
Nathalie Heinich
Nathalie Heinich est sociologue et directrice de recherche au CNRS. Outre de nombreux articles, elle a publié près d’une quarantaine d’ouvrages, traduits en quinze langues, portant sur le statut d’artiste et d’auteur, les identités en crise, l’histoire de la sociologie, les valeurs et l’universalisme. Elle a par ailleurs publié trois récits autobiographiques en forme de « trilogie des maisons».
Pierre Juston
Pierre Juston est doctorant en droit public, spécialisé sur les questions de laïcité. Engagé depuis de nombreuses années en faveur de la laïcité, il a publié de nombreuses contributions scientifiques sur le sujet, ainsi que des articles de vulgarisation. Il intervient très régulièrement dans les établissements scolaires et forme au principe de laïcité dans la fonction publique.
Les publications les plus récentes des intervenants
Renée Fregosi, Nathalie Heinich, Jean-Pierre Sakoun et Virginie Tournay, Le bêtisier du laïco-sceptique, Paris, Minerve, 2021.
Philippe Foussier, Combats maçonniques,Paris, Conform Editions, 2018.
Nathalie Heinich, Ce que le militantisme fait à la recherche, Paris, Gallimard, 2021.
Nathalie Heinich, Oser l’universalisme. Contre le communautarisme, Paris, Le Bord de l’eau, 2021.
La séparation est très largement contenue dans son article 3, la liberté de conscience dans son article 10, la liberté d’expression dans son article 11.
Aujourd’hui bien oublié, ce décret dit déjà tout : la République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte. Abrogé par napoléon, il a laissé une trace sur nos vieilles églises et nos vieux temples : Liberté, Égalité, Fraternité, encore visible sur des façades.
La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, de sûreté générale et de législation, réunis, décrète :
Art. 1er. Conformément à l’article VII de la déclaration des droits de l’homme, et à l’art. CXXII de la constitution, l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé.
Art. 2. La République n’en salarie aucun.
Art. 3. Elle ne fournit aucun local, ni pour l’exercice du culte, ni pour le logement des ministres.
Art. 4. Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice.
Art. 5. La loi ne reconnaît aucun ministre de culte : nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses.
Art. 6. Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique.
Art. 7. Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté. Aucune proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y inviter les citoyens.
Art. 8. Les communes ou sections de commune, en nom collectif, ne pourront acquérir ni louer de local pour l’exercice des cultes.
Art. 9. Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses.
Art. 10. Quiconque troublerait par violence les cérémonies d’un culte quelconque, ou en outragerait les objets, sera puni suivant la loi du 22 juillet 1791 sur la police correctionnelle.
Art. 11. Il n’est point dérogé à la loi du 2 des sans-culotides, deuxième année, sur les pensions ecclésiastiques, et les dispositions en seront exécutées suivant leur forme et teneur.
Art. 12. Tout décret dont les dispositions seraient contraires à la présente loi, est rapporté ; et tout arrêté opposé à la présente loi, pris par les représentants du peuple dans les départements, est annulé.
C’est le moment laïque de la République. Cette loi de valeur constitutionnelle, et qui serait dans la constitution si… la 3ème République avait eu une Constitution ! est la résultante de la pensée des Lumières françaises et particulièrement de celle de Condorcet et d’un siècle de luttes d’abord souterraines puis à visage découvert pour faire triompher la liberté de conscience et l’émancipation. Elle est aujourd’hui encore notre bouclier contre l’ordre moral, la garante de la liberté des cultes. Elle fait l’objet d’attaques permanentes de tous les bigots, de tous les intégristes, de tous les communautaristes. Elle est, avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, notre bien collectif le plus précieux.
Elle comprend cinq titres, le premier édictant en moins de cent mots les principes de notre liberté.
Les autres titres sont essentiels à son application, particulièrement les titres 4 et 5.
Titre Ier : Principes. (Articles 1 à 2)
Art. 1er. La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Art. 2. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3
Titre II : Attribution des biens, pensions. (Articles 3 à 10)
Titre III : Des édifices des cultes. (Articles 12 à 17)
Titre IV : Des associations pour l’exercice des cultes. (Articles 18 à 24).
Citons en particulier :
Art. 18. Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.
Art. 19. Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte […]
Titre V : Police des cultes. (Articles 25 à 36)
Citons en particulier :
Art. 26. Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.
Art. 28. Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.
Art. 31. Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.
Art. 34. Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 3 750 euros. et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.
La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.
Art. 35. Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.
Titre VI : Dispositions générales. (Articles 37 à 43)
Ils nous gouvernent encore aujourd’hui. L’article 1er affirme la nature laïque de la République.
Préambule
Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.
En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.
Art. 1er. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Titre I – DE LA SOUVERAINETÉ
Art. 2. La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est « La Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Art. 3. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.
la LOI n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics
Les attentats qui se sont succédé depuis 2012 et qui ont fait trois cents morts en France, ont fait prendre conscience à une immense majorité de Français que la laïcité, qu’ils croyaient définitivement acquise et consolidée, était attaquée de toute part et sans relâche depuis 1906. En particulier, parmi ses fondements, l’indifférenciation des personnes, dont l’égalité entre elle et devant la loi ne souffre pas d’exception, en particulier fondée sur le sexe, la couleur de peau, l’origine ethnique, la religion.
C’est pourquoi l’offensive islamiste qui a ciblé notre pays depuis les années 1980 nécessite que soient réaffirmés ou précisés les principes qui nous gouvernent et fondent les idéaux du peuple français. Comme de juste dans un pays démocratique fondé sur le droit, ce sont tous les citoyens, quelle que soit leurs options philosophiques et religieuses, qui doivent respecter la loi.
Cette loi est essentielle parce qu’elle réaffirme le caractère renforcé de la laïcité à l’école, afin d’offrir aux élèves cette « respiration laïque » nécessaire à la construction du raisonnement, de l’esprit critique et de la liberté de conscience.
Art. 1er. Il est inséré, dans le code de l’éducation, après l’article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé : « Art. L. 141-5-1. – Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »
Cette loi est la manifestation de la prise de conscience par l’État des dangers qui menacent la laïcité, clé de voûte de la Nation et de la société française. Elle est l’objet d’une réaction féroce de la part de ses adversaires qui craignent de perdre en quelques articles une bonne partie du terrain qu’ils ont tenté de reprendre à la laïcité depuis un siècle.
Les forces de la loi
La loi présente quatre grandes avancées.
Elle confirme la neutralité du service public en l’étendant aux entreprises et associations délégataires ;
Elle donne aux préfets les moyens légaux de contrôle de la neutralité des décisions et de l’action des collectivités territoriales ;
Elle étend à toutes les associations ayant un objet cultuel, même si elles ne sont pas enregistrées sous le statut des associations cultuelles de la loi de 1905, les prescriptions de cette dernière et élargit le contrôle sur leur fonctionnement et leurs ressources afin de limiter les confusions entre objet cultuel et objet culturel ;
Enfin, elle s’attaque à certaines causes et effets de la radicalisation extrémiste à base intégriste en :
Renforçant les contrôles sur les enseignements prodigués dans les établissements privés hors contrat et à domicile ;
Proposant des moyens de lutter contre la haine en ligne et la mise en danger des personnes, illustrées de la pire des manières en 2020 par l’assassinat du professeur Samuel Paty ;
Luttant contre les comportements communautaristes contraires aux lois de la République et notamment contre les inégalités de traitement parfois dégradantes imposées aux femmes par des prescriptions religieuses qui voudraient prendre le pas sur les lois de la République.
La loi semble donc prendre la mesure du danger que représente, en particulier depuis quelques décennies, l’islam politique et radical – c’est-à-dire l’islamisme – prôné par les frères musulmans et les organisations salafistes, pour séparer les citoyens de confession ou de culture musulmane de la communauté nationale. Les rédacteurs de la loi ont veillé à ce que cette loi, comme toutes les lois de la République, conserve une portée universelle et puisse s’appliquer à toutes les formes de dérives religieuses et philosophiques sectaires, même si c’est aujourd’hui l’islamisme qui représente la menace principale contre la République.
La « loi confortant le respect des principes de la République » représente une occasion exceptionnelle, qui ne se répètera probablement pas avant longtemps, de réparer le lien abîmé par quarante ans d’errements gouvernementaux, de reculs et de compromissions, entre les Français et leur laïcité.
Elle aborde des sujets cruciaux pour l’avenir de notre pays et en particulier la laïcité, clé de voûte de l’unité nationale. Il serait donc très dommageable pour l’avenir du pays qu’elle soit progressivement affaiblie au point d’être dénaturée et de ne plus répondre à toutes les questions qui restent non résolues et menacent l’unité nationale, la liberté de conscience et in fine la République.
Les faiblesses de la loi
Nous avons évoqué ci-dessus l’opportunité et la nécessité d’une telle loi et énuméré ses qualités ; il paraît essentiel d’en pointer les insuffisances, les limites et les dangers dans sa forme actuelle.
Il est regrettable qu’une telle loi ne propose pas un préambule exprimant de manière solennelle sa philosophie et affirmant l’importance de ce geste législatif ;
Une telle loi ne peut pas faire, pour des raisons d’opportunité ou de calcul politicien, l’économie de certaines questions centrales pour le respect des principes républicains et l’unité de la Nation. Ainsi, il est malheureux qu’à aucun moment ne soient abordés, même de manière conservatoire et à titre documentaire, trois aspects essentiels des débats sur la laïcité, à savoir la nécessaire extension des lois de la République à la totalité du territoire métropolitain et ultramarin, l’anomalie que représente le financement public de l’école privée et la constitutionnalisation des principaux termes des articles principiels de la Loi de séparation des Églises et de l’État ;
Le mécanisme proposé dans la loi et destiné à inciter les associations cultuelles enregistrées sous le statut de la loi sur les associations de 1901 à l’abandonner pour rejoindre le statut d’association cultuelle de la loi de 1905, nous paraît peu efficace.
La possibilité offerte par la loi du 2 janvier 1907 sur l’exercice public des cultes, de déclarer une association cultuelle sous le régime de la loi sur les associations de 1901, était liée au refus de l’Église catholique de s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905 en matière de propriété des lieux de culte. La question immobilière soulevée par l’Église catholique ayant été – mal – résolue par les accords Briand-Poincaré-Ceretti de 1923-1924, il aurait fallu supprimer l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 et contraindre ainsi toutes les associations cultuelles à rejoindre le statut de la loi de 1905, dans un délai de quelques années, fixé dans la loi.
Cette loi ne porte pas précisément sur la laïcité scolaire. Il est cependant évident que la conscience citoyenne laïque et républicaine se construit au cours des années de formation initiale des jeunes Français. En conséquence on doit regretter l’absence de dispositions destinées à favoriser la promotion et la diffusion des principes républicains auprès des jeunes et à renforcer spécifiquement la prévention de leur possible radicalisation.
De même, il n’y a aucune raison de laisser hors du champ de l’obligation de neutralité des agents faisant action de service public, les bénévoles qui, à la différence des entreprises privées ou des associations délégataires, ne sont pas concernées par la loi. Or, par exemple, les sorties scolaires sont bien des activités de service public et non des activités de loisir puisqu’il s’agit d’une prolongation de la classe hors des établissements. Il est donc tout à fait normal que les accompagnants bénévoles qui sont ici auxiliaires du service public, manifestent la même neutralité religieuse ou philosophique que les employés des sociétés de transports en commun ou de restauration scolaire. C’est même encore plus justifié et nécessaire puisque l’école publique est la cadre d’une laïcité renforcée destinée à développer le sens critique des enfants et à assurer l’édification de leur liberté de conscience.
La loi devrait être plus exhaustive en matière de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, nées de pratiques religieuses rigoristes et extrémistes. Ainsi aurait dû être abordé et caractérisé comme un comportement sectaire le voilement des mineures, en particulier des mineures de quinze ans.
Une disposition inacceptable
Les dispositions de l’article 28 autorisent les associations cultuelles à exploiter directement des biens immobiliers. C’est une véritable brèche ouverte dans la loi de Séparation qui pourrait conduire à terme à l’instauration d’une pratique concordataire.
La loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 accorde aux cultes des avantages fiscaux sur les dons des fidèles. Ces avantages permettent aux associations cultuelles d’échapper à l’impôt sur ces libéralités. Cette générosité de la République n’est légitime qu’à condition que l’association cultuelle qui en bénéficie se cantonne à son objet, l’exercice du culte. C’est à ce titre et dans ces conditions que la République garantit le libre exercice du culte (article 1er de la loi de Séparation du 9 décembre 1905). Depuis de nombreuses années, les responsables des cultes tentent d’obtenir la possibilité d’exploiter directement les biens immobiliers qui leur sont légués ou qu’ils reçoivent en donation. En effet, à ce jour, et même dans le cadre des assouplissements et des avantages conférés au culte catholique par le gouvernement de Vichy, ceux-ci ne peuvent exploiter directement les biens immobiliers qui leur sont transférés puisque cette exploitation ne ressort pas de l’exercice du culte.
L’exploitation directe des biens immobiliers par les associations cultuelles présente des inconvénients graves et nombreux :
Rupture d’égalité entre les cultes en fonction de la situation immobilière de chacun ;
Non soumission à l’impôt d’une activité commerciale sans rapport avec le culte du fait des avantages fiscaux consentis aux associations cultuelles
Rupture d’égalité vis-à-vis des exploitants immobiliers commerciaux ;
Subventionnement indirect des cultes, du fait de la nécessité de compenser l’impôt non perçu sur les successions et sur les bénéfices immobiliers commerciaux des associations cultuelles, par l’imposition complémentaire de tous les Français ou de toutes les entreprises ;
Rupture du principe d’exercice de l’activité cultuelle par l’autorisation de se livrer à d’autres types d’activités, ouvrant la voie à des futurs élargissements dans d’autres domaines ;
Une telle mesure présente un grave danger d’affaiblissement du principe de séparation, voire d’évolution vers une situation concordataire. En effet, elle présente un risque important de voir évoluer rapidement le paysage cultuel français vers une situation « à l’américaine », dans laquelle les cultes évangélistes se multiplieront pour assurer l’enrichissement de leurs pasteurs par la constitution de fortunes immobilières. En parallèle, la « course au legs ou à la donation » pourrait gangréner les cultes traditionnels et donner lieu à de nombreux scandales. Enfin, cette mesure risque de permettre la reconstitution d’empires immobiliers qui donneraient à terme aux cultes les contrôlant une influence très importante tant sur l’économie du pays que sur les décisions des obligés que seraient leurs locataires.
Pour tenter d’éviter de tels dangers, l’État se trouvera dans l’obligation de contrôler la réalité de l’objet cultuel d’une association exploitant des biens immobiliers et se déclarant « association cultuelle ». L’État devra donc alors définir ce qu’est et ce que n’est pas un culte et de ce fait, se pencher sur la recevabilité d’un dogme et s’engager sur la voie d’une labellisation des religions. C’en serait donc fini de la séparation.
Plus généralement, et au-delà de la générosité de la loi de 1905 limitée aux dons, il n’est pas du ressort de l’État de financer directement ou indirectement le fonctionnement d’une association, fût-elle cultuelle, en l’autorisant à pratiquer une activité commerciale non soumise à l’impôt. Enfin l’intérêt public, supérieur aux intérêts particuliers ou associatifs, aurait dû être préservé. À ce titre, l’exercice du droit de préemption de l’État et des collectivités sur les biens immobiliers ne devait pas être limité ou abrogé.
Enfin, cette mesure apparaît comme une « compensation » accordée par la République face au tarissement des financements étrangers recherché par la loi. Il aurait été de meilleure politique de traiter le problème à la racine en renforçant les contrôles sur ces sources de revenus des cultes, grâce à l’outil « Tracfin », quitte à accroître les moyens et les prérogatives de ce Service de renseignement, plutôt que de risquer de mettre gravement en danger l’équilibre de la Loi de Séparation.
Trois impératifs complémentaires, pour l’application réelle de la loi
Il est essentiel que l’État se donne les moyens d’assurer la mise en œuvre de la loi. En effet depuis quelques décennies, les citoyens ont constaté que nombre de lois n’ont pas été appliquées ou qu’elles ne l’ont été que partiellement ou imparfaitement. Cette constatation a souvent donné le sentiment que les lois étaient adoptées plus par opportunisme politique que pour affirmer la règle commune. Or, cette loi loi est historique et ne peut subir telle déchéance. C’est pourquoi la question des moyens accordés pour sa mise en œuvre et pour les contrôles de son application est décisive.
Les mécanismes mis en œuvre dans la « loi confortant le respect des principes de la République » ne trouveront leur pleine application que dans le respect de la loi de Séparation des Églises et de l’État.
La loi ne pourra être appliquée que si l’État et les collectivités locales cessent de subventionner directement les cultes, en contravention avec la loi de Séparation, au prétexte d’une activité culturelle dont chacun sait qu’elle recouvre des activités cultuelles. Les récents exemples du financement par la ville de Rennes de la rénovation d’un centre islamique et du financement par l’État et la Ville de Paris du Centre européen du judaïsme, démontrent que ces pratiques inacceptables sont de plus en plus courantes et distraient des investissements nécessaires au bien public des centaines de milliers, voire des millions d’euros.
De même, les discussions en cours et les solutions actuellement évoquées pour la création d’un « islam de France » et l’établissement d’une taxe halal, laissent craindre que cette nouvelle organisation donne au vainqueur des luttes intestines qui ont lieu entre les associations musulmanes, la main sur un réseau de propagande sur tout le territoire grâce au contrôle des mosquées et des centres cultuels/culturels, d’institutions reconnues par l’État permettant de diffuser son idéologie, de cadres et d’exécutants, d’école de formation des imams et d’école destinées à former des cadres politiques (voir le lycée Averroès). Qui contrôlera la création de l’islam de France pourra disposer d’un État dans l’État. On peut douter alors de la conformation d’une telle organisation à l’esprit et à la lettre de la Loi de Séparation et de la « Loi confortant le respect des principes de la République ».
1 Ferdinand Buisson, in discours au congrès du Parti radical et radical-socialiste, 1903
Gallica donne accès à plus de 8,5 millions de documents numérisés (livres, revues, journaux, publications officielles, manuscrits, estampes, photographies, etc.), propose une sélection documentaire sur la laïcité à travers des documents très nombreux et particulièrement variés, qui donnent une profondeur historique à la réflexion sur la laïcité.
Parmi les textes d’un grand intérêt pour nos sujets, citons aussi les sources législatives et réglementaires, qui donnent accès, dans le cadre d’un accord de coopération entre la BnF et les assemblées, au Journal officiel de la République française. Lois et décrets de 1869 à 1946 et aux Débats parlementaires de la Chambre des députés et du Sénat, notamment lors du vote des grandes lois laïques (lois Ferry-Goblet de 1881-1886, lois de 1901 et 1904 sur les congrégations, loi sur la séparation des églises et de l’État de 1905 par exemple)
La BnF propose un ensemble des ressources numériques pédagogiques de grande qualité à l’intention des professeurs et des élèves, composé d’une exposition en ligne, d’un dossier documentaire, de textes de référence, d’une filmographie, de pistes pédagogiques, etc.